Une certaine inquiétude règne en ce début d’année. Au-delà de la situation sanitaire, sociale ou économique mondiale ou française, une lame de fond semble se former. Du moins c’est le constat que nous ont rapporté un certain nombre d’entre vous.

Déjà confrontés au poids des réseaux de soins, au 100% Santé, aux contrôles de la DGCCRF, il apparaît que vous devez également faire face à une limitation tarifaire des prix sur les verres imposés par des mutuelles en réseau ouvert.

Si certaines l’appliquaient déjà, cette pratique se développe de plus en plus. Acuite.fr a recueilli le témoignage de quelques confrères.


Diminution des marges et de liberté sur les produits vendus

Depuis le 1er janvier, le tiers payant pour les assurés Gras Savoye s'effectue sur la plateforme iSante en lieu et place d'SP santé. Ce changement a généré une régulation des prix sur les verres. « Où est passée la liberté de choix des assurés ? », s'insurge Léa*, opticienne à Lille. « Pour que mes clients soient mieux remboursés dans le cadre du tiers payant et que le tarif ne soit pas considéré ‘’hors marché’’ par l'Ocam, je suis contrainte de leur imposer un type de verre ou un traitement sur leurs lunettes ».
"A la grande surprise de votre confère Antoine et pour la première fois en janvier, il nous dit avoir essuyé un refus lors d’une prise en charge auprès d’Almerys au prétexte que le tarif des verres pratiqué (progressifs dernière génération) n’était pas conforme à la moyenne de celui de la profession… »
Olivier, opticien à Bordeaux, nous a confié son désarroi : « D'année en année, nos marges baissent. La situation m'inquiète, car je crains que de plus en plus de mutuelles en réseau ouvert suivent le même chemin à l'avenir ».


Via le TP, les complémentaires imposent les prix

La mutuelle Gieps via la plateforme SP santé va encore plus loin et décide elle-même du prix du verre comme le font les réseaux de soins Kalixia, Carte Blanche…. Installé depuis 10 ans à Paris, Didier nous a livré son témoignage : « J'avais recommandé à ma cliente les verres Essilor Stellest pour freiner l'évolution de la myopie de son enfant. Je suis resté stupéfait lorsque la mutuelle m'a imposé le prix de 125,97 euros. Ma marge est quasi inexistante sur un tel produit ». « Plus les années passent et plus nous sommes contraints », déplore-t-il.
La mutuelle HCR Colonna Facility impose quant à elle depuis quelques temps des remises obligatoires sur le prix de vente initial.


Arrêter le tiers payant

Face à cette régulation tarifaire, certains d'entre vous nous ont indiqué faire le choix de ne pas pratiquer le tiers payant dès qu'une Ocam impose une grille tarifaire. « Je n'ai adhéré à aucun réseau de soins pour garder mon indépendance. Il est hors de question de faire marche arrière. Dès qu'il y a une grille tarifaire en réseau ouvert, mes clients avancent les frais et se font ensuite rembourser. Je leur explique les raisons qui nous poussent à procéder de cette manière », nous explique Ludivine, opticienne dans le 69.
« Nous rencontrons régulièrement des rejets lors des demandes de prise en charge en 1/3 payant sur la plateforme SP Santé pour la mutuelle Axa, nous confie Caroline au motif d’un prix de verres " hors marché ".

En plus, c’est très agaçant car nous n’avons aucune idée de ce qui leur permet de nous refuser ces prises en charge. La plateforme SP Santé et Axa Sogrep sont dans l’incapacité (volontairement ?) de nous communiquer le prix acceptable ….Nous devons parfois faire 4 à 5 devis en essai pour le connaitre et obtenir enfin l’accord.

La meilleure solution, dans ces cas, est que le client se fasse rembourser directement par sa mutuelle et que nous procédions uniquement au 1/3 payant sur la part obligatoire de l’assurance maladie ».

 


Des marges réduites mais les besoins perdurent

Vous êtes nombreux à vous inquiéter de cette baisse continue de marge nette.

Cette régulation des prix par les Ocam va probablement conduire à une segmentation plus marquée des modes d’exercice du métier.

D’une part, ceux qui vont proposer des lunettes dans les grilles de prix de la sécu et des Ocam, dans une stratégie volume/prix.

D’autre part, ceux qui vont pratiquer comme opticien professionnel de santé, en recherchant le meilleur équipement pour l’amétrope dans le respect d’un RAC consenti, mais sans être dépendant des remboursements.

 

*Les prénoms ont été changés pour garder l'anonymat des professionnels