C'est la première campagne législative dans la 8e circonscription des Alpes Maritimes (Théoule-sur-Mer, Mandelieu-la-Napoule, Cannes et Vallauris) pour Jean-Valéry Desens, après deux campagnes municipales à Mandelieu. À 45 ans, opticien, propriétaire d'un magasin à Vallauris, il se présente sous l'étiquette politique Ensemble*.

Acuité : Pourquoi vous lancer dans une campagne législative ?

Jean-Valéry Desens : « Ce qui me motive, ce sont les priorités nationales : le pouvoir d’achat, l’écologie, faire le travail législatif et aider les acteurs locaux de mon territoire. Quand on fait partie de la majorité à l’Assemblée, ça ouvre naturellement beaucoup plus de portes pour porter des dossiers, nationaux comme locaux ».

AC : Aurez-vous l’occasion de défendre la profession au niveau national ?

JVD : « Dans mon programme, nous voulons mieux utiliser les compétences présentes sur le territoire national en développant la téléconsultation. C’est un élément réel d’avenir dans notre profession, et ce pour au moins deux raisons : le numerus clausus des ophtalmologistes a été revu il y a un an seulement et il va falloir des années avant d’en voir les effets, on va donc continuer dans les années à venir, à subir une pénurie d’ophtalmologistes. La 2e raison c’est que les ophtalmologistes souhaitent se concentrer sur les pathologies et la chirurgie au détriment des examens de vue qui vont devenir, j’en suis convaincu, une activité de plus en plus généralisée chez les opticiens, orthoptistes et optométristes. Concernant la contactologie, c’est pareil, de moins en moins d’ophtalmologistes prennent le temps d’en faire, et c’est une compétence qui doit être prise en charge intégralement par les orthoptistes et les opticiens, sinon cette spécialité va se perdre et on aura de plus en plus de difficultés à équiper les patients ».

AC : Comment voyez-vous l'avenir des professionnels de santé en optique ?

JVD : « La situation évolue en ce moment parce qu’il y a des entreprises et des start-up qui tentent des choses notamment dans des solutions de téléconsultation. Il va être nécessaire de définir clairement où sont les frontières, qui a le droit de faire quoi, en redessinant le rôle de chacun, en accord les uns avec les autres. Gardons à l’esprit que l’intérêt supérieur est celui du patient : il faut que les opticiens aient accès à la prescription, aux examens de contactologie…c’est essentiel pour limiter les dégâts des déserts médicaux. En région Paca, on a des touristes qui viennent passer leurs vacances et consulter un ophtalmologiste parce que notre région est mieux dotée que beaucoup d’autres en France. C’est bien le signe d’un déséquilibre médical profond entre les territoires qu'il faut résoudre ».

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AC : Ne craignez-vous pas de vous retrouver face à des rapports de force défavorables ?

JVD : « Dans tous les cas, le sens de l’histoire va dans cette direction. Il faut trouver des accords entre les opticiens, les ophtalmologistes et tous les partenaires. Etant donné que les ophtalmologistes font de moins en moins d'examens de vue, il faut bien trouver une solution pour les réaliser : le maillage territorial des magasins fait que les opticiens sont les mieux placés. Si les ophtalmologistes veulent conserver cette prérogative, il faudrait aussi qu'ils les pratiquent eux-mêmes davantage. Mais à choisir, ils privilégient généralement les actes de chirurgie. Ils n'ont aucune objection à ce que les examens de vue puissent être faits en magasin, tant que c'est fait sérieusement et qu’on leur envoie un compte rendu de leur patient ».

AC : Quel bilan tirez-vous du 100% Santé ?

JVD : « Le 100% Santé, c'est une très bonne solution. Je trouve que ça a été une excellente loi, bien que tous nos concitoyens ne soient pas forcément au courant qu'elle existe. De leur côté, les réseaux de soins fermés cherchent à augmenter leurs bénéfices en réduisant les prix des opticiens pour avoir moins à rembourser. Cela se traduit par une baisse des prix, mais aussi une baisse de la qualité des équipements. On impose au porteur des types de verres qui ne sont pas qualitatifs et ce n'est pas acceptable ».

AC : Comment adapter les formations en optique ?

JVD : « En ce moment, je cherche un opticien diplômé à recruter et je n'en trouve pas. Nous avions le phénomène inverse il y a quelques années, où il y avait trop d'opticiens sortant d'école et pas assez de postes à pourvoir. Les étudiants ont commencé à étudier plus longtemps ce qui a provoqué des années blanches, beaucoup d'entre eux sont partis ensuite travailler dans des cabinets d'ophtalmologie ou dans le commercial... Concernant une réforme du BTS OL, il faut faire très attention à ce qu'on fait : il faut continuer à former des opticiens performants, mais il faut aussi réfléchir à long terme, de manière à ne pas se retrouver dans 5 ou 10 ans dans la situation qu'on a connu il y a quelques années avec trop d'opticiens et des salaires qui baissent. Le rôle de l'opticien a beaucoup évolué ces dernières années : avant il ne vendait que des lunettes en magasin, aujourd'hui, il pratique en cabinet, il fait de la contactologie, de la basse vision... Il y a différents profils. Il faut évaluer à plus long terme quelles vont être ses responsabilités et faire en sorte que les formations y correspondent. Il faudrait d'abord légiférer sur les rôles et compétences des opticiens d'après les besoins de la société avant d'ajuster les formations en fonction ».

*Ensemble regroupe Renaissance (ex-Lrem), le Modem (ex-UDF) et Horizons (ex-Lrem), mais aussi Agir, Territoires de Progrès, Parti Radical et En commun.