Alors que 2013 a été dense en mesures législatives et que notre secteur a été touché de plein fouet par la crise, nous sommes allés à la rencontre des acteurs majeurs de notre profession. Comment ont-ils réagi à cette vague parlementaire ? Comment voient-ils l'année à venir, avec angoisse ou optimisme ? Que vont-ils mettre en place ? Acuité a posé la question à Christophe Lemesle (Krys Group), Didier Papaz (Optic 2000) et Eric Plat (Atol).

Christophe Lemesle, président de Krys Group
« Si la stratégie du Gouvernement part d'un bon sentiment suite à un constat de renoncement aux soins, je suis persuadé qu'elle n'y apporte pas les bonnes réponses. Globalement, nous ne sommes pas favorables aux réseaux fermés, car malgré leur volonté de répondre à un cahier des charges précis, certains opticiens ne pourront pas y entrer. Ce qui pourra être préjudiciable à leur activité économique. Il faut maintenant attendre les plafonds de remboursement qui seront fixés dans le cadre du PLFSS 2014. Mais, c'est davantage un problème pour les Ocam, car l'optique ne sera plus un outil de différenciation.

On a eu la chance jusqu'à présent d'avoir une filière d'excellence. Nos concitoyens sont les mieux équipés dans le monde, ce qui permet aussi à la Sécurité sociale et aux Ocam de réaliser des économies. Le projet de loi Hamon n'aura pour conséquence que de détruire une partie de la filière. Cependant, l'optique est un produit sur mesure et Internet ne pourra pas répondre à toutes les demandes. Nous regrettons que l'allongement de la validité de l'ordonnance à 5 ans ait été retiré du projet. A ce sujet, nous souhaitons travailler avec les ophtalmologistes afin de trouver des solutions pour les amétropes.

Krys Group se tient prêt à affronter ces mutations tout en poursuivant notre plan stratégique KG20. Notre action vise à préparer le modèle économique du magasin de demain avec plus de productivité, à permettre à nos adhérents d'avoir les meilleurs référencements et meilleures conditions d'achat. Notre objectif étant que nos opticiens soient les plus rentables du marché ».

Didier Papaz, président du groupe Optic 2000
« La loi Le Roux ne fait que mettre en conformité des réseaux qui existent depuis fort longtemps et la pratique des remboursements différenciés. Le phénomène d'apport de clientèle, des opticiens qui feront partie des réseaux, risque alors de s'accentuer au détriment de ceux qui n'en font pas partie. Avec le projet de loi Hamon, on réglemente des choses qui étaient dans un grand vide juridique. Les pures players n'ont pas attendu la loi pour se constituer. Le frein sur les EP est levé, ce qui est bien dommage car on dilue ici une responsabilité de l'acte au détriment du consommateur qui va être promené entre tous les intervenants et ne saura plus à qui se fier. Le texte qui me préoccupe le plus est le PLFSS 2014. Peu importe les niveaux fixés, cela conduira à une consommation amoindrie. Quand on sait que les Ocam représentent environ 3 milliards du marché, l'impact sur le CA réalisé par les magasins est inévitable. Je ne pense pas que dans la situation actuelle le consommateur soit amené à augmenter son reste à charge.

En 2014, le marché sera tout simplement atone : situation économique générale pas très bonne, dégradation du pouvoir d'achat... Par contre, j'ai de fortes craintes pour 2015 où il risque de subir quelques remous. Il faut donc être prudent sur ses investissements, ses recrutements et ses projets. Il faut le temps que le marché intègre toutes ces réglementations et se préparer à vivre des années plus difficiles comme ce qu'ont connu les marchés allemand et suisse lors de la diminution des remboursements. Les magasins, qui n'auront pas de surface financière et de fonds propres suffisamment forts, risquent d'avoir des soucis. Il y aura certainement des fermetures et un phénomène de mutation va s'opérer. Cependant, il faut continuer à travailler ensemble pour créer une Licence, débouchant sur une formation en trois ans, et démontrer par notre professionnalisme notre capacité à suppléer aux ophtalmologistes dans certains endroits. Une loi se modifie, rien n'est définitif ! »

Eric Plat, président d'Atol les Opticiens
« Pour l'instant, les dispositions législatives votées ne vont pas changer le quotidien des opticiens. Le Gouvernement a enfoncé des portes ouvertes, entérinant des états de fait. Pour l'inscription des EP sur les ordonnances, je doute que les ophtalmologistes, qui sont avant tout des professionnels de santé, acceptent de se prêter au jeu et d'engager leur responsabilité. Enfin, en ce qui concerne le plafonnement des remboursements prévu dans le PLFSS 2014, il faudra attendre les décrets d'application pour pouvoir en évaluer l'impact.

Ce qui reste le plus gênant, ce sont les campagnes à charge contre notre secteur. Notre profession est salie par des allégations bien souvent fausses ou incomplètes ! Il faut que les opticiens restent extrêmement motivés et défendent leur profession auprès des 10 millions de Français qu'ils rencontrent chaque année en magasin.

Surtout qu'en 2014, le marché va s'inscrire en récession dans la continuité des deux années passées. Chez Atol, nous allons renforcer notre stratégie de marque qui nous a réussis jusqu'à présent. Nous allons continuer à travailler dans ce sens et innover avec des produits en marque propre toujours plus originaux. Tout cela véhiculé par nos égéries qui déclenchent chez nos clients, empathie et sympathie ».