Mais où va notre système de santé ? Comme une parade aux délais d’attente interminables*, prêts à tout pour obtenir un rendez-vous chez l’ophtalmologiste ou autres spécialistes, les Français peuvent aujourd’hui les commercialiser. « Un imprévu vous oblige à annuler ? Vendez l’info ! Vos rendez-vous ont de la valeur », affiche le site Yamaplace.fr sur sa page d’accueil. En effet, les patients ne pouvant pas se rendre à un rendez-vous médical peuvent désormais le proposer à d’autres habitants de leur région. Aussi, une personne souhaitant une consultation rapide peut diffuser sa demande gratuitement et choisir d’en faire payer l’accès. « C’est pour inciter ceux qui seraient un peu réticents à partager leurs rendez-vous annulés », justifie auprès de liberation.fr Wahib Sali, co-créateur de la plateforme, qui a eu cette idée en récupérant le rendez-vous d’un copain. Et d’ajouter : « Comme sur le Bon Coin, c’est avant tout la confiance qui fonde le service. Si vous trouvez un rendez-vous médical qui vous convient, vous fixez un rendez-vous physique avec la personne, comme vous le feriez pour acheter un bien matériel ».

« Si ça devient un business c’est un problème »

Wahib Sali assure que « Yamaplace restera gratuit », ajoutant que l’entreprise se rémunère grâce à une autre activité dans le domaine de la recherche et l’innovation en e-santé. Rien de surprenant toutefois, le site n’est pas du goût de tout le monde. Chez notre confrère Libération, Catherine Mojaïsky, présidente de la Confédération nationale des syndicats dentaires , s’insurge : « je le découvre avec surprise et consternation. Heureusement que je suis assise ». De son côté, Thierry Bour, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof), comprend que « certains essayent de trouver des parades, mais là il y a un côté mercantile. Si c’est ponctuel, ce n’est pas très choquant, mais si ça devient un business c’est un problème. Les rendez-vous annulés ne sont pas forcément un souci car ils permettent de prendre des patients en urgence sans finir à pas d’heure » ajoute-t-il.

Et si les ophtalmologistes se tournaient vers les opticiens ?

Rappelons que dans notre secteur, les ophtalmologistes tentent depuis de nombreuses années de trouver une solution à l’allongement des délais d’attente. Et si les délégations de tâches envers les orthoptistes, qui devraient progressivement se généraliser en France, ne suffisaient pas ? Pour lutter contre ces pratiques, la collaboration entre ophtalmologistes et opticiens apparaît alors comme une réponse évidente. D’ailleurs, d’après le 3ème volet de « l'Observatoire de la Vue » réalisé par Ipsos pour Krys Group en 2013, les spécialistes n’y étaient pas opposés : 87% d’entre eux estiment que vous jouez un rôle important dans le bon fonctionnement de la chaîne de santé visuelle. Ils seraient même prêts à accepter des prérogatives étendues, par exemple la détermination du besoin de correction visuelle et de la puissance de verre idéale pour vos clients, à condition que :

- vous respectiez une charte déontologique élaborée avec les ophtalmologistes (35%),

- vous informiez systématiquement l'ophtalmologiste de la personne concernée (25%),

- vous ayez une formation spécifique (23%),
- ou que vous fassiez ces examens en suivant un mode opératoire élaboré avec les ophtalmologistes (19%).

Enfin, il est nécessaire de rappeler que le ministère de la Santé travaille actuellement sur notre filière. Souhaitant encourager la coopération entre les « 3O » (opticiens-orthoptistes-ophtalmologistes), Marisol Touraine pourrait redéfinir les prérogatives de notre métier. Même si elle s’oppose à la reconnaissance de l’optométrie et à la création d’une 4ème profession, pourquoi ne pas envisager de confier aux opticiens titulaires de formation post BTS les mêmes délégations de tâches que les orthoptistes dans des cabinets aidés. Ils pourraient prendre en charge la réfraction, l’adaptation des lentilles de contact et réduire les délais d’attente sans passer par un site opportuniste !

*111 jours d’attente pour avoir un rendez-vous chez un ophtalmologiste selon le cabinet Jalma, à l’origine de l’Observatoire réalisé avec l'Ifop.