Le nouveau devis obligatoire et normalisé* devra s’appliquer à tous les magasins d’optique au 1er janvier 2018, mais beaucoup d’interrogations subsistent. La dissociation tarifaire entre les produits et les prestations risque-t-elle d’aboutir au non-remboursement de ces dernières ? Le porteur s’y retrouvera-t-il dans ce document où une multitude d’éléments devra apparaître ? Pour le Syndicat national des opticiens réunis (Snor), les inquiétudes sont nombreuses. Interview d’Olivier Padieu, son président.

Acuité : Quelle est la position du Snor sur cette mesure par rapport aux autres syndicats ?

Olivier Padieu : Notre position est semblable à celle de la Fédération nationale des opticiens de France (Fnof) ou encore du Groupement des industriels et fabricants de l'optique (Gifo). Nous sommes largement favorables à l’idée d’instaurer plus de transparence, de traçabilité et de mettre en valeur la transformation du produit par l’opticien. Toutefois, avec l’Union des Opticiens (UDO) et le Syndicat national des centres d'optique mutualistes (Synom), nous interrogeons sur plusieurs points, qui sont encore loin d’être réglés.

A. : Lesquels ?

O.P. : En priorité, la question du remboursement des prestations. De notre point de vue, tant qu’il n’y aura pas de code LPP pour les prestations optiques, elles ne pourront être prises en charge par la Sécurité sociale et les Ocam. Dans la situation économique actuelle, il paraît compliqué de faire accepter au porteur un reste à charge supplémentaire. Le principe est louable mais sur le terrain, nous avons peur que ça ne passe pas. Par conséquent, l’objectif poursuivi par ce nouveau devis ne sera pas rempli.

A. : Quelles prestations pourraient être facturées et non-remboursées ?

O.P. : Pour les prestations en amont, tout ce qui concerne les examens de vue ou encore la gestion du tiers payant. Pour les prestations liées à la vente de l’équipement, le taillage des verres, le montage et la prise de mesure, par exemples.

A. : Avez-vous d’autres réclamations ?

O.P. : Nous pensons que ce nouveau devis est loin de simplifier les choses pour le client. Sa lecture n’est pas plus compréhensible. Il manque aussi un caractère d’obligation pour l’information du consommateur de la part de sa complémentaire santé. La prise en charge par les Ocam doit être indiquée seulement si elle est connue. Aussi, le délai d’application nous semble difficilement tenable. Tout le monde est concerné, les opticiens comme les éditeurs de logiciels et les fabricants. Nous demandons un délai supplémentaire d'au moins 6 mois.

A. : Y a-t-il des points positifs ?

O.P. : Bien sûr, il y en a plusieurs comme la revalorisation du travail de l’opticien. La mention en fin de devis qui rappelle l’engagement du consommateur est aussi une bonne chose. Elle précise qu’en « cas d’acceptation du devis, une signature vous sera demandée, afin de valider la commande et de formaliser votre engagement. Une fois ce devis signé, aucune rétractation est possible ». En revanche, beaucoup de questions restent en suspens comme celle de la note remise au client avant paiement. Correspond-elle à la facture ou est-ce un document supplémentaire à donner au porteur ? Nous attendons des réponses de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes).

A. : Selon vous, comment le consommateur réagira-t-il face à ce nouveau devis, s’il reste en l’état ?

O.P. : Ça risque d’être compliqué. Déjà que les Français jugent le prix des lunettes trop élevé et les remboursements des complémentaires trop bas, ce devis n’arrangera rien à ce sentiment. Peut-être que certains opticiens auront les bons mots pour justifier l’augmentation du reste à charge, mais nous avons des doutes sur la réaction des porteurs. C’est pourquoi nous sommes prêts à travailler avec le nouveau Gouvernement sur la mise en place d’une série de codes LPP pour les prestations optiques, avec une revalorisation de la prise en charge pour une juste reconnaissance du temps passé par l’opticien sur un équipement.

 
*Cette mesure émane de la Loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques portée par Emmanuel Macron, élu Président de la République le 7 mai. Elle devra s’appliquer dès le 1er janvier 2018 sous peine de sanctions. A l’issue de son entrée en vigueur, le devis normalisé s’imposera avant toute vente. Les contrevenants seront passibles d’une amende administrative pouvant aller jusqu’à 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale.