Brouillard, manque d'informations, blocage, impréparation de la part des complémentaires, de la Sécurité sociale, dysfonctionnements... Le moins que l'on puisse dire, la mise en place du 100% Santé depuis le 2 janvier provoque des difficultés en magasin comme, de mémoire d'opticien, vous n'en avez jamais connues. Nous vous avons informés sur ces « ratés au démarrage » qui perdurent. Vous avez été nombreux via nos sondages à nous faire part des refus de PEC, des dossiers de vos clients en attente, des impossibilités de facturation et des conséquences sur vos chiffres d'affaires.

2 semaines et demi après le coup d'envoi du 100% Santé, nous vous avons contactés, opticiens et opticiennes sous enseigne, indépendants, dans différentes régions. Vos témoignages laissent apparaître les mêmes difficultés sur le territoire. Mais l'impact peut être différent en fonction des positionnements.

  • Sandrine Perez, Optiko à Thézan-lès-Béziers (34)

« Cela fait 25 ans que je suis en magasin. Les repères, je les connais. Mais là c’est déstabilisant. Depuis début janvier, j’enregistre une baisse de -80% de mon CA. Les clients, les ordonnances, sont là. Mais voilà : la quasi-totalité des dossiers sont en attente. Sévéane vient de se débloquer mais il reste toujours une trentaine de dossiers sans réponse. Les plateformes de Kalixia et Viamedis continuent de poser problème. De notre côté, on était prêt le 2 janvier mais les Ocam et la Sécurité sociale ne l’étaient pas. Ils auraient pu nous envoyer des tutos ou faire des réunions pour nous former. Pour le moment, environ 25% de mes clients ont choisi le panier A. Mais, parmi eux, il y a beaucoup de CMU. J'ai un petit magasin, je suis très, très inquiète pour l’avenir. Tous ces clients que je n’ai pas pu avoir depuis le début du mois, vais-je les récupérer plus tard ou les ai-je perdus ? C’est ça la question. »

  • Éric Dulac, Optique Chevalier à Nantes (44)

« En ce début d’année, tout se passe bien : notre CA est un peu en hausse. Je croise les doigts et je touche du bois ! C’est dû à notre positionnement plutôt créateurs. L’offre 100% Santé n’est donc pas ce que nos clients recherchent. Nous n’avons d’ailleurs pas encore vendu de lunettes panier A. Il y a quand même eu des demandes d’explications. Dans ces cas-là, on montre la différence sur les verres antireflets entre le panier A et le panier B. On n’a pas eu à se battre pour faire « basculer » les clients en panier B. Je vois cette réforme comme une opportunité d’attirer une nouvelle clientèle qui ne connaissait pas jusque-là ce type de magasin. Attention, on a quand même eu des dysfonctionnements sur le tiers payant, des difficultés avec Harmonie Mutuelle et Viamedis. Les logiciels n’étaient pas non plus à jour au début. Mais, aujourd’hui, tout est réglé. Je comprends que la situation puisse être compliquée pour certains confrères selon la ville ou le type de magasin. »

  • Jean-Francois Leplomb, 5 magasins Optic 2000 en Moselle (57)

« Si nos magasins n’enregistrent pas de baisse de fréquentation ou d’activité depuis le 2 janvier, en revanche tous sont impactés par la mise en place du devis et du 100% Santé. La situation est simple : nous avons le plus grand mal à facturer les équipements et un grand nombre de dossiers clients restent en attente : j’évalue la baisse à – 80% ! Résultat, le CA de nos points de vente a chuté de -50% comparé à la même période en 2019 ! En cause : les refus de PEC de la part des Ocam. Ils acceptent les devis mais le blocage intervient au niveau des PEC. Les logiciels de leurs sites n’ont pas mis les catalogues de verres à jour. Autre type de problème sur certaines plateformes de tiers payant : la non-reconnaissance des codes de regroupement. Du côté de la Sécurité sociale, on se heurte à une méconnaissance des nouvelles règles par les agents que nous avons en ligne. Un flou total règne sur les droits des assurés et des ex-CMU en particulier pour le panier A. Alors que les opticiens se forment et anticipent la réforme depuis 18 mois, les pouvoirs publics et les Ocam semblent ne pas l’avoir appréhendée. Nous avons continuellement fait des efforts et les complémentaires ne jouent pas le jeu… La situation ne devrait pas se régulariser avant 2 mois et je suis très inquiet à court terme, pour les trésoreries des magasins, pour l’impact immédiat sur les comptes d’exploitation. »

  • Sébastien Le Felher, En un clin d’œil à Blainville-Sur-Orne (14)

« Je n’ai pour l’instant pas enregistré de baisse de mon CA par rapport à l’an dernier, même si cette semaine a été assez calme. On a cependant connu des problèmes de PEC à cause de refus sur les sites des Ocam. Par exemple, pour une cliente, on a effectué une 1ère demande de remboursement : elle avait droit à 100€. 2e demande de remboursement : on monte à 250€. Mais elle m’a dit qu’elle devait avoir droit à 400€… Concernant les plateformes de tiers payant, elles veulent encore les codes LPP détaillés. Je demande donc l’accord du client puis je les transmets, mais je constitue systématiquement des dossiers pour porter plainte contre l’Ocam. Au final, très peu de mes clients ont choisi le panier A, moins de 10%. On vit une réforme en profondeur du métier mais on ne reçoit aucune communication du gouvernement pour nous, ni de courrier de la Sécurité sociale… Je ne comprends pas qu’on soit si peu informé. Heureusement, on s’entraide entre opticiens. »

  • Carole Vivet, Carol’Optique à Ollioules (83)

« Les plateformes de tiers payant ne sont pas accessibles. On n’arrive pas à faire les PEC : elles ne donnent pas les bons montants, elles nous mettent les codes LPP et pas les codes regroupés, etc. Le gouvernement et les Ocam font n’importe quoi ! Cette situation est d’autant plus catastrophique pour moi que mon magasin a enregistré de grosses baisses de CA en 2019 (-50% en décembre). »

 

On se rend compte que, depuis le début de la semaine, les dysfonctionnements se réduisent. Mais la situation reste très chaotique et surtout très préoccupante côté trésorerie pour beaucoup de magasins. On nous a rapporté le cas d'un opticien dans le Sud-Ouest qui ne pourrait pas payer ses salariés car les Ocam lui devraient 30 000€ depuis le 20 décembre. L'année semble malheureusement amputée et certains magasins fragiles pourraient ne pas passer le cap. Drôle de réforme qui, d'un côté, donne de l’accessibilité et, de l'autre, fait fermer des points de vente.

En début de semaine, nous ferons un point sur la situation côté fournisseurs.