Entre 2013 et 2019, un couple d’opticiens (entre temps séparés) sous enseigne Optical Center a vendu des aides auditives pour plusieurs centaines de milliers d’euros à des clients dans les Ardennes, la Marne, la Haute-Marne et la Meuse. Ils n’avaient pourtant aucune formation ni diplôme en audiologie : mais à l’aide d’un pédiatre complice qui les laissait utiliser son numéro Adeli, ils ont pu réaliser des tests auditifs et équiper des clients pendant que l’Assurance maladie prenait en charge cette activité illégale.

L'opticien exigeait de ses employés qu'ils fassent de même alors qu'ils n'avaient pas la formation requise. Dénoncée par une audioprothésiste locale, la fraude a pris fin en 2019 lorsqu'une enquête judiciaire a vu le jour.

Des peines au-delà des réquisitions du Parquet 

Poursuivis pour escroquerie portant préjudice à un organisme social et exercice illégal de la profession d’audioprothésiste, le couple d’opticiens, ainsi que le pédiatre, ont été reconnus coupables, ce 22 mars, par le tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne.

  • L’opticien propriétaire de plusieurs magasins d’optique a été condamné à 14 mois de prison avec sursis et une amende de 20 000 euros (soit le double de ce qu’avait requis le parquet le 25 janvier dernier) avec obligation d'affichage de la décision pendant 1 mois à la Chambre des métiers et d'artisanat de la Marne. « Il faut faire 3 ans d’études et avoir un diplôme d’audioprothésiste pour exercer cette profession, or ce n’est pas le cas de ce monsieur », a rappelé la présidente du tribunal, dont les propos ont été rapportés par le journal l’Union. « Ce sont des faits graves puisqu’il en va de la santé des clients ». Le prévenu, lors de l'audience du 25 janvier dernier, avait expliqué qu'il avait voulu répondre aux exigences de son franchiseur. 
  • Son ex-compagne, complice pendant plusieurs années, a été condamnée à 5 mois de prison avec sursis et 3 000 euros d’amende.
  • Le pédiatre qui avait fourni son numéro Adeli pour que le couple d’opticiens puisse se faire rembourser par l’Assurance maladie les équipements audio qu’ils délivraient a été condamné à 8 mois de prison avec sursis ainsi qu’une amende de 20 000 euros. « Chez ce prévenu, il existe une dette morale supplémentaire car en sa qualité de professionnel de santé, il aurait dû tenir compte de l’alerte du conseil de l’Ordre », précise la présidente.

 

Autres peines et remboursement du préjudice

Les 3 sociétés appartenant à l'opticien sont aussi concernées : 

  • Pour la première, confiscation du produit de l’infraction et confiscation de la somme de 9 502 euros.
  • Pour la 2nde et la 3e, confiscation de 120 000 euros chacune. 

Les 3 prévenus devront également s’acquitter de manière solidaire de la somme de 42 000 euros (exécution provisoire*) à destination de l’audioprothésiste qui a dénoncé les faits en raison « d’une fausse concurrence, voire d’une concurrence déloyale ». Ils devront aussi verser 10 000 euros (exécution provisoire*) au Syndicat des audioprothésistes pour « atteinte à l’image et à la crédibilité de la profession ».

Le remboursement du préjudice auprès de la CPAM et de la Mutualité sociale agricole sera précisé lors d’une audience le 11 octobre prochain, le temps de l'évaluer précisément. Plusieurs centaines de milliers d’euros sont en jeu.

Les intéressés ont 10 jours pour faire appel, ce qui est probable étant donné l'importance de la condamnation. 

 

*L'exécution provisoire oblige ici le règlement des sommes dues même s'il y a appel.