Dans un rapport commandé par le 1er ministre en juin 2023 et publié récemment, le Haut Conseil du Financement de la Protection Sociale (HCFiPS) dresse un portrait de la nature des fraudes sociales, y compris en matière de santé, leurs montants, leurs enjeux et émet des recommandations pour les limiter.
La fraude en audio, le petit nouveau qui vise haut
Le syndicat des audioprothésistes avait pourtant prévenu les pouvoirs publics depuis des années que le 100% Santé en audio pouvait engendrer des dérives importantes.
L’ensemble des actions de contrôles réalisées par la CNAM sur les facturations et les centres d’audioprothèses ont permis de détecter et stopper 21,3 millions d’euros de fraudes en 2023, sur un total de 466 millions d'euros - un record.
Sur le modèle de l’expérimentation réalisée par la Caisse de Seine-Saint-Denis, plus de 16 000 factures ciblées ont fait l’objet de contrôles approfondis par les CPAM au cours des 3 derniers mois de 2023.
Des appels téléphoniques ont été réalisés auprès des bénéficiaires pour s’assurer de la réalité et des conditions de délivrance de l’appareillage auditif concerné.
Au total, ces contrôles ont abouti au rejet de plus de 9 000 factures dont notamment plus d’un tiers pour absence d’examen ou d’acte préalable par un médecin comme requis, puis, pour plus de 20% d’une absence de délivrance réelle de l’appareillage et enfin pour 15% environ, de fausses prescriptions médicales...
Montant des fraudes à l'Assurance Maladie détectées et stoppées en 2022 et 2023, par profession. Les audioprothésistes ne font l'objet de contrôles approfondis que depuis octobre 2023. Source : Cnam
Bilan du 100% Santé en audio
Avec le 100% Santé, les assurés sociaux peuvent bénéficier d’aides auditives remboursées sans aucun reste à charge : depuis 2021, le dispositif a très sensiblement amélioré l’accès aux audioprothèses, avec l’appareillage de près de 767 000 personnes pour l’année 2023 (en augmentation de 72% entre 2019 et 2023).
Parallèlement, le nombre de sociétés adhérentes à l’accord national avec l’assurance maladie s’est fortement accru : sur plus de 6 700 sociétés d’audioprothèses, plus de 1 500 ont été créées entre 2020 et 2022 dont un tiers en Île-de-France.
Nature des fraudes
Cette évolution s’est accompagnée de nombreuses fraudes, mises en exergue notamment par l’assurance maladie : exercice illégal de la profession d’audioprothésiste, absence de suivi obligatoire du bénéficiaire appareillé, facturation de matériel différent de celui délivré, ordonnances de complaisance ou établissement de fausses ordonnances, pratiques de démarchage et de déplacement à domicile.
Plusieurs contrôles de sociétés d’audioprothèses ont été déployés en 2023, avec des actions pénales en cas de constat avéré que les sociétés emploient du personnel non diplômé, font usage de fausses ordonnances ou facturent des matériels non délivrés. Les résultats des différents contrôles engagés ou à venir seront analysés courant 2024 pour proposer, si besoin, la mise en place de nouveaux mécanismes de régulation des dépenses d’audioprothèses.
Une réforme qui n'a pas anticipé le potentiel d'abus
Le HCFiPS considère que « la mise en place du 100% santé était un projet complexe, qui a été mené de manière tout à fait efficace. Toutefois, pour des prestations qui ne sont pas marquées par le sceau de l’urgence, mais qui emportent des coûts importants tant pour l’assurance maladie que pour les organismes complémentaires,
- l’absence de consentement formel de l’assuré aurait tout à fait pu être questionnée lors de la mise en place du tiers payant
- de même les conditions d’exercice de la profession auraient pu être interrogées dès la création du dispositif alors que le syndicat des audioprothésistes alertait sur les risques de dérives.
- ces questionnements auraient été d’autant plus légitimes qu’une mauvaise prise en charge médicale est de nature à engendrer des risques pour les personnes concernées
- la gratuité appelle les escrocs ; une participation financière, même faible, des assurés permettrait de s’assurer de leur vigilance lorsqu’ils sont sollicités mal à propos.
Propositions et recommandations
Retrouvrez ici les propositions et recommandations de la HCFiPS ainsi que du Syndicat Des Audioprothésistes (SDA), du Syndicat National des Entreprises de l’Audition (Synea) et du Syndicat National des centres d'Audition Mutualistes (Synam).
Mais c'est pas grave, on suggère de nouvelles contraintes (cf. propositions récentes du Sénat), et légifère dans le secteur de la lunette pour compenser!