Essilor a lancé il y a un mois une campagne de communication ambitieuse autour de la santé visuelle et du rôle central de l'opticien de proximité, avec en guest star son dernier né qui protège des effets néfastes de la lumière bleue, Crizal Prevencia. Presse nationale et régionale, cabinets d'ophtalmologie, magasins et médias digitaux, le verrier a misé sur plus de 66 millions de contacts. Où en est l'opération et comment a-t-elle été perçue par les consommateurs ? Ludovic Mathieu, DG d'Essilor France, a répondu aux questions d'Acuité. 

Acuité : Quelles sont les premières retombées de la campagne de sensibilisation autour des dangers de la lumière bleue lancée en février ?
Ludovic Mathieu :
 Nous sommes agréablement surpris. Les lignes sont clairement en train de bouger, il se passe quelque chose autour de cette campagne et de Crizal Prevencia. C'est le retour que nous avons de beaucoup de nos clients mais c'est aussi ce que nous constatons dans tous nos indicateurs. Offre satisfait ou échangé, challenges magasin, commandes de PLV, opérations marketing locales, jamais nous n'avons enregistré autant de demandes. Et nous n'avons donc probablement jamais autant parlé de santé visuelle aux porteurs ! Cela prouve que la demande des professionnels et des consommateurs est bien prégnante. Après les turbulences des mois derniers, l'un des objectifs de la campagne est aussi d'aider nos clients à valoriser leur rôle au service des porteurs. Même s'il y aura probablement encore des embûches, c'est en bonne voie. Avec cette campagne, nous avons repris la parole positivement. 

A : D'où tenez-vous ces affirmations ? 
L.M. :
 Je donnerai deux illustrations. En 1 mois, le site protegezvosyeux.fr a comptabilisé 150 000 visiteurs, et ce sans bénéficier d'une ancienneté de référencement. Cela veut dire que 150 000 personnes ont tapé dans leur moteur de recherche l'adresse du site parce qu'ils l'ont lu dans la presse ou entendu à la radio, en magasin ou via le bouche-à-oreille. On constate aussi que les commandes de Crizal Prevencia progressent de plus de 15% d'une semaine sur l'autre, une croissance à deux chiffres qui ne semble pas fléchir. La prise de conscience du consommateur est indéniable et nous observons qu'elle emporte les inhibitions qui pouvaient exister ici ou là. Jour après jour, le produit est proposé et adopté par de plus en plus de clients. Nous avons même eu des commandes de verres plans pour les emmétropes grands utilisateurs d'écrans. 

A : Avez-vous mesuré cette satisfaction auprès des porteurs ?
L.M. : 
Nous avons des retours enthousiastes d'ophtalmologistes et d'opticiens que nous avons complétés par une enquête auprès de porteurs. 97% se disent satisfaits, 97% manifestent une intention de rachat et 98% envisagent de le recommander à un proche. Ils nous disent aussi être sensibles au message et semblent conscients du danger potentiel des écrans. Nous avons ainsi identifié trois facteurs clés de satisfaction des consommateurs : la bonne appropriation du message santé/technique par les équipes en magasin, une pédagogie appuyée pendant la vente et le fait d'oser en parler à tous ! Pour de multiples raisons, l'opticien se bride parfois et n'a pas toujours le réflexe de parler de santé visuelle. Il a pourtant face à lui de plus en plus de clients à l'écoute et en attente. 

A : Que répondez-vous aux opticiens qui ironisent en disant que jusqu'ici les personnes ne portant pas de lunettes pour se protéger de la lumière ne l'ont jamais mal vécu ? 
L.M. :
 Il y a 50 ans, l'espérance de vie à la naissance était d'environ 70 ans, elle dépasse aujourd'hui 80 ans. Il y a 50 ans, on ne protégeait pas sa peau du soleil. Il y a 50 ans, Peugeot commercialisait la 403, sans airbag, ni ABS, ni même de ceinture de sécurité... Voudrions-nous revenir en arrière aujourd'hui ? Plus sérieusement, ce qui nous intéresse c'est de regarder devant, de profiter des découvertes scientifiques pour apporter des solutions au monde tel qu'il est en 2014. La société change, les connaissances et les besoins évoluent, nous devons nous adapter. Dans ce cadre, à un moment où le développement des pathologies oculaires devient un enjeu de santé publique, l'opticien a un rôle éminent à jouer, aux côtés des ophtalmologistes. Nous avons aujourd'hui toutes les cartes en main : un besoin croissant de la population, une filière de qualité, des professionnels bien formés et des produits à l'efficacité éprouvée. Alors oui, nous pouvons être fatalistes ou nostalgiques mais nous pouvons aussi profiter du sursaut collectif qui semble naître et assumer pleinement notre mission de santé visuelle pour engager le renouveau de la profession. 

A : Avez-vous prévu de prolonger cette campagne de sensibilisation ? 
L.M. :
 Nous allons continuer à communiquer dans la presse et à la radio, et y adjoindre des événements locaux. Des actions de sensibilisation « de rue » seront organisées le 15 mars à Strasbourg et Lille, et le 22 mars à Lyon et Toulouse. Avec l'aide de la Ligue d'improvisation, sous la forme de castings sauvages, les participants seront mis dans des situations de lecture avec une vue qui se dégrade. Ils seront encouragés à diffuser le plus largement possible leur expérience via les réseaux sociaux. L'objectif est d'interpeller le public sur la santé visuelle, d'insister sur l'importance de protéger ses yeux et d'encourager la consultation régulière d'un professionnel de la vue. Des vidéos virales seront également postées sur Internet, via les sites santé et les plateformes de partage. Notre démarche s'inscrit résolument dans la durée. Ce n'est pour nous que le début d'une histoire qui s'écrira nécessairement à plusieurs mains.