Combien pèse vraiment la fraude en optique ? « Très peu de chiffres circulent », constate Amélie Violeau, directrice des relations avec les professionnels de santé chez Santéclair. La Cnam « intervient peu » sur la prise en charge de l’optique : ses contrôles se concentrent donc surtout sur d’autres postes de remboursement (audio, centres de santé...). Or, côté complémentaires santé, le sujet est loin d’être anodin.
Sur la base d’exercices d’extrapolation nourris par ses détections et son expérience, Santéclair situe l’ordre de grandeur de la fraude optique à 162 M€ par an. Rapporté à un marché d’environ 8 Md€ dont 5,3 Md€ financés par les Ocam (et 280 millions par l'AMO), cela représente près de 3 % des remboursements complémentaires dans le domaine. « C’est probablement sous-évalué : par définition, une partie des agissements n’est pas détectée », prévient Amélie Violeau, rappelant que, de façon générale, « la fraude en optique vis-à-vis des Ocam serait plutôt de l’ordre de 5 à 7 % » des prestations.

Des pratiques dommageables 

Les schémas évoluent. Si les « fausses activités » cherchant à se faire conventionner persistent, les pratiques les plus dommageables dans le secteur de l’optique restent les facturations fictives : équipements inexistants (lunettes ou lentilles) avec garanties utilisées pour chacun des bénéficiaires du contrat d’assurance... Par ailleurs, l’interpénétration avec l’audio s’est accentuée depuis le 100 % Santé : « on observe des professionnels de l’optique identifiés comme ayant des pratiques frauduleuses les reproduire en audio après avoir ajouté cette activité. Des clientèles anormalement jeunes en audio, adossées à un même prescripteur, constituent un exemple des signaux d’alerte.

Détecter et prouver

Détecter n’est « pas le plus dur » ; prouver l’est beaucoup plus. D’où l’intérêt, selon Santéclair, du projet de loi visant à sécuriser l’échange de données entre assurance maladie obligatoire (AMO) et complémentaires (AMC). Objectif : reconnaître le rôle des Ocam pour s’assurer de la légalité et de la pertinence des prises en charge sur trois postes dont ils sont les financeurs majeurs — optique, audio, dentaire — et coordonner réellement les contrôles nécessaires en la matière. « Aujourd’hui, chacun agit dans son coin ; il faut un cadre mieux formalisé pour garantir harmonisation et meilleure coordination de la collecte, la conservation et l’usage des données », insiste Amélie Violeau. L’enjeu est de permettre les contrôles nécessaires, au bon moment et avec le bon niveau d’automatisation dans les process de prise en charge, pour permettre d’identifier de façon efficace les pratiques frauduleuses sans alourdir la tâche administrative des opticiens ou celle des financeurs des équipements optiques.

Améliorer les systèmes de lutte contre la fraude

« Un des enjeux des OCAM et de leurs intermédiaires comme les plateformes santé, est de maîtriser le risque de fraude à l'assurance. Cela nécessite d'être attentif aux évolutions que prend la fraude, notamment du fait de la digitalisation des processus, des réseaux sociaux et de l'IA générative qui simplifient l'acte de frauder, mais aussi un investissement permanent. On ne peut pas se dire "on a fait le boulot, maintenant c'est bon", car les méthodes d'hier se sont perfectionnées, on ne contrôle plus comme il y a 15 ans. »