La publication au Journal Officiel du 16 octobre 2016 du tant attendu décret réformant la profession, issu de la Loi Santé de Marisol Touraine, bouleverse notre secteur. Si certains d’entre vous se réjouissent déjà des évolutions apportées, d’autres demeurent perplexes face à un texte sujet aux interprétations. Il est vrai qu’il n’est pas toujours aisé de s’y retrouver suite au chamboulement législatif de ces derniers mois. Acuite.fr fait le tour des mesures qui impactent d’ores et déjà votre quotidien.
Car, notons que ce décret réforme la profession et, en ce sens, annule le décret de 2007 qui définissait jusqu’ici les règles d’exercice du métier. Il est en vigueur depuis le lundi 17 octobre 2016.
1 - L’adaptation des corrections et le renouvellement des lunettes/lentilles
Les opticiens ont la possibilité d’adapter les ordonnances de verres correcteurs dans le cadre d’un renouvellement. Ce principe, instauré depuis 2007, est bien évidemment toujours d’actualité. Le nouveau décret vient simplement modifier la période durant laquelle la prescription reste valide, selon l’âge et l’état de santé du patient. Ainsi, vous pourrez pratiquer des examens de vue et adapter la correction de vos porteurs de lunettes durant :
- 1 an pour les moins de 16 ans ;
- 5 ans pour les 16 à 42 ans ;
- 3 ans pour les plus de 42 ans.
Nouveauté cependant : outre, les prescriptions de verres correcteurs, vous avez dorénavant la possibilité d’adapter la correction des ordonnances de lentilles. Dans ce cas, les prescriptions restent valables :
- 1 an pour les moins de 16 ans ;
- 3 ans pour les plus de 16 ans.
Attention, le décret précise toutefois que les ophtalmologistes, peuvent s’opposer à toute adaptation de la correction par l’opticien ou limiter la durée de validité de l’ordonnance par une mention expresse sur cette dernière.
2 - La réfraction au cœur du métier
Autre point important de ce texte : il rend obligatoire la pratique d’un examen de réfraction avant tout renouvellement d’équipement optique. En ce sens, ce décret replace le métier au cœur de son orientation première, la santé visuelle. Un point sur lequel l’ensemble de la profession, par la voix des syndicats et des opticiens, se félicitent. Selon un récent sondage sur Acuite.fr, vous êtes 54% à penser que c’est « une opportunité pour ne plus être considéré comme des marchands de lunettes ». A noter : dans le cas d’une première délivrance de verres correcteurs, vous pouvez toujours réaliser une réfraction mais la Loi vous interdit désormais d’en adapter la correction.
Aussi dans la pratique, le décret apporte plusieurs précisions. Pour réaliser une réfraction, vous devez :
- recevoir le patient dans l’enceinte du magasin d’optique-lunetterie ou dans un local y attenant,
- permettre une prise en charge dans les bonnes conditions d’isolement phonique et visuel,
- assurer la confidentialité des informations échangées par la personne lors de l’examen optique,
- préserver l’intimité du patient.
Vous avez dorénavant la possibilité de promouvoir votre capacité à pratiquer des examens de vue mais uniquement dans l’enceinte du magasin. En dehors, toute publicité et toute communication destinée au public demeure interdite.
3 - Des relations opticiens-ophtalmologistes renforcées
Ces mesures s’inscrivent dans une réforme plus globale de la filière de santé visuelle. Les orthoptistes sont également concernés par un texte, à paraître courant novembre. Ainsi, la ministre de la Santé, suite à la publication du rapport Igas, a souhaité une plus grande coopération entre les différents professionnels de santé concernés, dans le seul intérêt des Français. Une volonté appuyée par ce décret.
En effet, le texte précise qu’en cas d’adaptation de la correction des verres ou des lentilles, vous êtes désormais dans l’obligation de reporter les nouvelles mesures sur la prescription médicale mais aussi d’en informer le médecin prescripteur « par tout moyen garantissant la confidentialité des informations transmises ». Ces nouvelles règles vous poussent donc au contact avec les ophtalmologistes.
Pour se faire, la Fédération nationale des opticiens de France (Fnof) a déjà pris les devants. Dans son document « démarche en santé visuelle » présenté au Silmo 2016, co-signé par le Snof et le Gifo, elle y fait état de la mise en œuvre d’échanges entre les professionnels de santé. Cela devrait passer par une messagerie sécurisée dont le but serait de fluidifier le parcours de soins et rendre plus confortable la prise de décisions.
4 - L’obligation d’ordonnance levée en cas d’urgence
Instaurée par la loi Hamon, l’obligation d’ordonnance pour la délivrance de verres correcteurs a été assouplie par la loi Santé de Marisol Touraine. Ainsi, le récent décret prévoit qu’en cas de perte ou de casse, « lorsque l’urgence est constatée et en l’absence de solution médicale adaptée », vous pouvez maintenant délivrer un nouvel équipement sans ordonnance. Cette délivrance est bien évidemment subordonnée à un examen réfractif, dont les résultats doivent être remis au patient et transmis à l’ophtalmologiste ou au médecin désigné par le patient, sauf pour les personnes venant de l’étranger. Un registre devra faire état de tous ces cas exceptionnels. Ces données sont à conserver pendant un délai de 3 ans.
Aussi, la prise en charge financière par la Sécurité sociale étant subordonnée à l’existence d’une ordonnance et celle pour les Ocam étant limitée tous les 2 ans, sauf en cas d’évolution de la vue, ces équipements ne seront pas remboursés.
A noter : la première délivrance de verres correcteurs multifocaux intégrant une correction de la presbytie reste soumise à une prescription médicale.
5 - Les autres règles d’exercice de la profession
Au-delà des évolutions concernant la validité des ordonnances ou encore le renouvellement des équipements, le décret termine en précisant d’autres nouvelles règles d’exercice de la profession d’opticien-lunetier.
- Est désormais obligatoire le port d’un badge signalant nom, prénom et titre professionnel.
- Pour la vente en ligne, le texte souligne que toutes les mesures utiles à la réalisation d’un équipement doivent être réalisées par l’opticien-lunetier mais peuvent aussi être faites à distance.
- Enfin, il comble le vide juridique de la pratique à domicile en stipulant que « l’opticien-lunetier, dont la résidence professionnelle est identifiée, peut procéder, à la demande du médecin ou du patient, à la délivrance des lentilles oculaires correctrices et verres correcteurs auprès des patients à leur domicile ou admis au sein des établissements de santé publics ou privés ou médico-sociaux ».