Les points à retenir :

  • Des mesures fin 2021 et début 2022 suite aux préconisations du rapport Igas (prescription, délivrance, renouvellement d’ordonnances) ;
  • Pour le Rof, 48 millions de Français vivront dans un département sous-doté en ophtalmologistes d’ici 5 ans. Il faut réagir, avec l’aide des opticiens ;
  • La Fnof pointe du doigt le blocage de la prescription-délivrance ;
  • La Fnof déplore l’attitude du Snof envers les opticiens.


Mercredi 12 mai, la filière visuelle était réunie autour de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale pour discuter des préconisations du rapport Igas et des possibilités de les appliquer. Un sujet géré par Cyrille Isaac-Sybille, député du Rhône. S’il fallait retenir une chose de cette journée, ce serait la suivante : ça avance !

Application imminente des préconisations du rapport Igas

« La Commission souhaite apporter des propositions cohérentes afin de mettre en place les principales préconisations du rapport Igas. Nous sommes dans une perspective de redéploiement des coopérations entre les professionnels de santé, et c’est un bon point », résume pour Acuité Alain Gerbel, président de la Fnof.

Des mesures devraient ainsi être prises à court et à long terme. A court terme (pour application fin 2021-début 2022) des mesures sur la prescription, la délivrance ou encore le renouvellement d’ordonnance seront concernées. La formation viendra ensuite, car une telle réforme est longue à mettre en place. « Mais ce n’est plus une hypothèse : cette réforme est inscrite au programme et elle se fera », précise Alain Gerbel.

Le Rof explique les problèmes de densité d’ophtalmologistes

Les syndicats d’opticiens ont fait part de leur accord quant à l’ensemble des préconisations du rapport Igas. « Pour que cela fonctionne, il faut une approche globale de la filière mais aussi trouver des solutions en fonction des territoires et des problématiques de densité des professionnels de santé », nous explique André Balbi, président du Rof.

Le syndicat a expliqué à la Commission que 49 départements, représentant 25 millions de Français (soit près de 40% de la population), sont actuellement fragiles en termes de densité d’ophtalmologistes. « Dans 5 ans, ce seront 87 départements et 48 millions de Français qui vivront dans un départements avec moins de 7 ophtalmologistes pour 100 000 habitants », avertit André Balbi. Thierry Bour, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof), a lui-même reconnu qu’en dessous de 8 ophtalmologistes pour 100 000 habitants, la densité était insuffisante.

Mais, selon le Rof, les solutions proposées par le Snof, axées sur les cabinets secondaires et les protocoles avec les orthoptistes, ne seront pas suffisantes, pour deux raisons :

  1. La démographie des orthoptistes suit celle des ophtalmologistes. De fait, quand il y a peu d’ophtalmologistes dans un département, il y a également peu d’orthoptistes (Consultez la carte des 3 "0" en France par nos confrères de Bien Vu Les Enjeux).
  2. Dans les territoires sous-dotés, la population est souvent plus âgée, avec des problèmes de mobilité. Le maillage dense des opticiens dans ces mêmes territoires doit être utilisé.

Le débat autour de la prescription

Des problématiques qui amènent à discuter de la prescription. Pour André Balbi, retirer le monopole de la prescription aux ophtalmologistes n’est pas une solution pérenne, car cela ne règlerait pas la question de la prévention. « Il faut plutôt utiliser à plein la filière qui reste centrée sur l’ophtalmologiste. » Cela signifierait une extension des protocoles existants aux opticiens, développer les protocoles interprofessionnels dans les territoires sous-dotés, notamment élargir l’accès au matériel non-invasif, allonger la durée de validité de l’ordonnance…

Selon Alain Gerbel, « le point de blocage des parlementaires porte sur la prescription-délivrance. C’est l’arme des ophtalmologistes. Nous avons fait le constat suivant : il existe en la matière un traitement différencié. En effet, les ophtalmologistes peuvent s’auto-prescrire des actes, examens complémentaires, en toute liberté. Ils sont les seuls médecins à pouvoir facturer des actes médicaux et paramédicaux, on voit du reste ce que cela donne dans les centres de santé. »

Alain Gerbel dénonce l’attitude du Snof

Par ailleurs, le président de la Fnof « déplore l’attitude excessivement dure du président du Snof*, qui était seul pour représenter son syndicat devant la Commission. Il a expliqué que sa profession ne ferait rien avec les opticiens tant que leur formation se limiterait à bac+2 et qu’ils n’avaient aucune règle déontologique. »

Mais Alain Gerbel se félicite des interventions des syndicats d’orthoptistes et notamment de Lucie Verniquet, présidente de la Fédération Française des Etudiants en Orthoptie (FFEO). Cette dernière nous précise sa position : « La FFEO porte la possibilité de mutualiser certains cours (comme cela peut déjà être fait entre orthoptistes et les professions en santé) afin de permettre aux étudiants en orthoptie et en optique afin d'initier la coopération avant même l'obtention du diplôme, par la transversalité et l'échange autour de compétences communes. »


De son côté, Laurent Milstayn, président du SNAO (Syndicat national autonome des orthoptistes), nous a déclaré :

« Le SNAO est heureux de l’écoute attentive que le député Cyrille Isaac-Sibille a porté à son argumentaire.

En effet, la mobilisation rapide des acteurs de terrain déjà en place est absolument nécessaire avant d’aller vers de nouvelles organisations telles que les Postes Avancés en Ophtalmologie qui répèteraient, encore et encore, le modèle développé actuellement dans les cabinets d’ophtalmologie et qui se montre, à ce jour, insuffisant.

Si, comme le défend le SNAO, de réelles coopérations interprofessionnelles se développaient au-delà des structures ophtalmologiques, l’ensemble des professionnels de la filière pourrait participer, chacun à leur mesure, à la prise en charge coordonnée de la population pour assurer le dépistage et le suivi de manière plus facile et pourraient réinscrire celles et ceux qui ont déserté les soins visuels en raison de problèmes de délais non encore résolus.

Le SNAO souhaite que Mr Isaac-Sibille inscrive cette forme d’organisation "libérale" comme prioritaire dans son futur rapport. »

 

* Sollicité par Acuité, Thierry Bour, président du Snof, n’a pas souhaité s’exprimer.