À l’occasion de la Semaine nationale de la myopie (24–30 novembre 2025), Céline Nou-Ghio, opticienne à Narbonne spécialiste Kid Expert, qui a ouvert récemment son magasin à l'enseigne Eyes, nous livre un témoignage de terrain éclairant sur l’évolution de la prise en charge des jeunes myopes. Pour elle, tout commence bien avant les verres : « La bonne prise en charge d’un enfant, c’est d’abord le mettre en confiance. Je lui montre l’espace lunettes, je m’adresse à lui, mais aussi aux parents. Beaucoup arrivent inquiets face au diagnostic de l'ophtalmologiste. »
Les verres de freination, une petite révolution
Entrée dans la profession en 2012, elle a longtemps travaillé sans solution de freination, avant l’arrivée des premiers verres dédiés en 2021. Depuis, elle a choisi de s’appuyer exclusivement sur MiyoSmart (Hoya), seul produit sur lequel elle a suivi une formation complète : « Quelle que soit la marque ou la technologie, ce qui m'importe, c’est de constater de véritables stabilisations de la myopie chez mes jeunes clients. »
Céline Nou-Ghio raconte avoir équipé il y a quelques mois un enfants de 5 ans avec déjà –3 de dioptries. « À ces âges-là, la myopie peut exploser en quelques mois. Avec les verres de freination, j’ai vu sa progression s’arrêter quasiment net. »
Un suivi rigoureux, clé de la réussite
Quand un ophtalmologiste prescrit « verre freinateur » – formulation souvent utilisée –, elle propose systématiquement le dispositif de freination : « La commande du verre ne pose aucun problème même si la marque n’est pas spécifiée. En revanche, pour la mutuelle, il faut parfois un libellé précis. Je n’hésite pas à appeler l’ophtalmo pour obtenir une ordonnance conforme. À chaque fois, ils jouent le jeu. »
Le protocole de suivi est strict : contrôle à deux semaines pour vérifier le réglage de la monture, indispensable avec une technologie nécessitant un positionnement très précis ; puis rendez-vous à trois, six et neuf mois pour mesurer l’évolution. « Une fois sur deux, il n’y a pas de progression. Si au bout de neuf mois la myopie repart, j’appelle l’ophtalmo pour avancer le contrôle. Je ne prends jamais de décision seule. »
Loin de rebuter les familles, ce suivi resserré est perçu positivement : « Les parents sentent qu’on prend la santé de leur enfant au sérieux. Ils voient la différence avec un parcours classique. »

Corner dédié aux enfants dans le magasin Eyes de Narbonne
Une question financière encore sensible
Le coût reste un frein pour certaines familles. Le verre est facturé autour de 147 €. « Même des parents en C2S acceptent de faire un effort financier pour cet équipement, bien que la prise en charge Sécu et mutuelle n'est que partielle. Je propose toujours un paiement en trois ou quatre fois. La plupart considèrent que la vue de leur enfant n’a pas de prix. » Elle estime néanmoins que ces verres « devraient être remboursés à 100 % jusqu’à 8 ou 10 ans », car c'est un verre thérapeutique qui peut éviter bien des problèmes à l'âge adulte.
Selon elle, l’information fait encore défaut : « Les parents ne connaissent pas vraiment la myopie évolutive. On ne parle pas assez des écrans, des risques, des signes d’alerte. Il faudrait des campagnes dans les écoles, et, comme pour les dents, un dépistage obligatoire à 3 ans chez l'ophtalmologiste. »
Des résultats visibles, même chez les adolescents
Avec quatre ans de recul, l’opticienne affirme constater l’efficacité de ces verres. Elle cite le cas d'un enfant équipé dès ses 10 ans : « Il avait –1 et –1,25. Deux ans plus tard, à 14 ans, sa myopie n’a pas bougé. » Elle évoque aussi une jeune fille de 16 ans dont la progression s’est limitée à 0,50 D, « malgré la puberté, qui peut jouer sur la vision ».
Au final, ce qui ressort de son expérience, c’est l’importance du rôle de l’opticien : pédagogie, accompagnement, suivi rapproché et coordination avec les ophtalmologistes. « Les verres de freination, ce sont des verres sur lesquels la marge financière est très faible, voire inexistante. En revanche, avoir la capacité d'empêcher un enfant d'avoir une forte myopie à l'âge adulte, cela n'a pas de prix. »
