Acuite.fr vous a présenté en exclusivité les deux projets d’arrêtés venant encadrer les futurs devis obligatoires et normalisés en optique et audio. Si la rédaction des textes n’est pas définitive, elle donne un avant-goût des dispositions qui devraient entrer en vigueur au 1er juillet 2017. La DGCCRF*, chargée de la rédaction des deux arrêtés, devrait revoir sa copie suite aux contributions des acteurs concernés. Nous avons souhaité vous donner l’avis des syndicats.

« Une reconnaissance de la profession d’opticien »

Pour Alain Gerbel, président de la Fédération nationale des opticiens de France (Fnof), ces textes sont une avancée pour la reconnaissance des opticiens en tant que professionnels de santé. « Ils vont permettre de mettre en valeur la prestation. Toutefois, ils manquent de recul et restent perfectibles », nous a-t-il confié sans entrer dans le détail. Notons que ces mesures devraient entrer en vigueur au 1er juillet 2017, laissant 7 mois aux éditeurs de logiciels pour se mettre à jour. « Ca ne coûtera rien à l’opticien dont le contrat avec l’éditeur doit inclure tous les changements législatifs », explique-t-il.

De son côté, Ludovic Mathieu, président du Gifo (Groupement des Industriels et Fabricants de l'Optique), a répondu à nos questions : « les industriels et fabricants ont beaucoup travaillé au sein de nos commissions notamment celles consacrées aux affaires réglementaires pour améliorer le projet d’arrêté soumis par la DGCCRF. Nous accueillons favorablement la démarche engagée par les pouvoirs publics qui visent à améliorer la compréhension de notre secteur par les consommateurs et à renforcer la traçabilité des produits ». Le Gifo espère que ces textes vont porter atteinte à deux griefs récurrents :

  • le manque supposé de transparence : les dispositions proposées devraient favoriser une meilleure comparabilité des offres en termes de prix et de qualité afin que la concurrence soit plus saine, plus équitable et plus loyale.
  • ces arrêtés doivent également mieux valoriser la complexité du métier d’opticien qui joue un rôle clé et souvent méconnu.

Plusieurs propositions ont été soumises par le Gifo parmi lesquelles :

  • un renforcement des contrôles, du respect des normes CE de tous les produits qui entrent sur le territoire français ;
  • le recours au code G TIN (Global Trade Item Number) comme traceur. C’est un numéro unique pour chaque modèle de lunettes en 14 caractères ;
  • Ouvrir un champ optionnel qui pourrait recueillir des indications additionnelles relatives aux produits afin que le consommateur fasse un choix éclairé. (Ex : l'Origine France Garantie). Pour résumer, il s’agit d’une série d’indications volontaires additionnelles que pourrait mettre le fabricant sur les produits ;
  • Une meilleure lisibilité du document. Il faut trouver un équilibre entre pédagogie, transparence et efficacité du message;
  • Un délai supplémentaire de 6 mois au minimum a été demandé pour que les petites entreprises réalisent le développement informatique nécessaire ;
  • Il est important que ces dispositions soient compatibles avec les exigences du futur règlement européen relatif aux dispositifs médicaux.  

 « On s’est également assuré que ces évolutions n’induisent pas in fine une réduction de la base de remboursement des produits », souligne Ludovic Mathieu. 

« Un risque d’augmentation du reste à charge pour le patient »

A contrario, l’Association des Optométristes de France (AOF), le Syndicat des opticiens entrepreneurs (SynOpe) et l’Union des Opticiens (UDO) tirent la sonnette d’alarme. Ils craignent une « augmentation du reste à charge pour les patients ».

« Si le SynOpe est favorable à ce que les porteurs/assurés puissent être mieux informés, cela ne doit pas se faire au dépend de la prise en charge, ni de la lisibilité indispensable pour le consommateur qu'un tel devis doit revêtir, fait savoir le syndicat. Si ces arrêtés étaient pris en l'état, ils seraient très préjudiciables pour les porteurs. Ils risquent d'augmenter leur reste à charge, n'amélioreront en rien la lisibilité des devis (bien au contraire) et seraient d'une mise en œuvre extrêmement complexe et couteuse pour les opticiens, dans un contexte où le Gouvernement prône au contraire un choc de simplification ».

Pour Catherine de la Boulaye, présidente de l’UDO, « les prestations de services sont intrinsèquement liées au produit et indissociables de la vente. Le fait de les distinguer pose la question du remboursement par les complémentaires santé, alors qu’il n’existe pas de cotation d’actes de prestation. Le risque direct est d'augmenter le reste à charge pour le porteur. Sans oublier qu'un devis en 5 pages est ilisible pour eux. Ne les oublions pas ». Elle attire également l’attention sur la date d’entrée en vigueur : « Il faut laisser le temps à tous les acteurs - éditeurs de logiciels, verriers et complémentaires santé - de réagir. Tout le monde doit se coordonner ».

« En dissociant le tarif des prestations de celui des produits, on risque une augmentation des restes à charge. Les complémentaires santé seraient susceptibles de ne rembourser que les équipements, sauf pour des contrats dits ‘premium’ qui pourraient prendre en charge les services, imagine également Yannick Dyant, président de l’AOF.  Tout ne peut pas être associé au produit mais, par exemple, l’ajustage et le montage sont liés. Par contre, on peut envisager de facturer l’expertise en lentille ou encore la réfraction », propose-t-il. Dans ce cas, « le coût de la prestation serait définie par chaque magasin, libre de valoriser l’acte et d’en choisir le prix ».

Les travaux continuent !

Du côté des audioprothésistes, Luis Godinho, président de l’Unsaf, estime que « ces premières ébauches sont trop compliquées. En audio, 75% des patients ont plus de 65 ans. Ce devis de 5 pages est trop détaillé. Nous avons fait un certain nombre de contre-propositions. Nous avons été écoutés, nous verrons si nous serons entendus avec à l’avenir un projet plus simple », nous a-t-il confié alors que des modifications sont à prévoir. « Le 24 novembre dernier, le Haut Conseil des Professions Paramédicales (HCPP) a d’ailleurs préféré ne pas se prononcer mais attendre les versions définitives des deux arrêtés pour donner son avis ».

Les travaux continuent donc. Les prochaines versions des textes nous diront si la DGCCRF aura tenu compte de ces remarques.

*Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes