Et si la durée des relations entre magasins et enseignes était limitée à 9 ans ? C’est ce que propose le projet de loi Macron suite à l’adoption, le 30 janvier, de l’amendement n°1681 déposé par le député socialité François Brottes* et d’un sous-amendement du Gouvernement. Ce dernier établit que les contrats qui lient un commerçant à un réseau de distribution commerciale ne puissent « être conclus pour une durée supérieure à 9 ans » et « renouvelés par tacite reconduction ». « La résiliation d’un de ces contrats vaut résiliation de l’ensemble », précise le texte. Enfin, la mesure s’appliquerait à partir d’un certain seuil de chiffre d’affaires, défini par décret après avis de l’Autorité de la concurrence.

« Fluidifier l’activité de commerce »

Lors des débats en séance, le parlementaire François Brottes a estimé qu’il « peut arriver que l’on veuille changer d’enseigne sans attendre 25 ans. En tout état de cause, il s’agit de fluidifier l’activité de commerce, quel qu’il soit, pas seulement alimentaire, pour permettre un changement de réseau ou la prise d’autonomie car la notion d’indépendance dans ce domaine peut appeler certaines nuances ». Il a également tenu à saluer « la force des réseaux » qui « permettent à des personnes de devenir entrepreneurs plus vite que si elles avaient démarré seules grâce à la force d’une marque, sa notoriété, à la possibilité de se procurer des fournitures à un moindre coût du fait de la force des centrales d’achat (...). Loin de moi, donc, l’idée que les réseaux ne seraient pas une bonne chose », a-t-il continué en admettant qu’ « ils ont fait leurs preuves mais nous voulons simplement permettre à ceux qui le veulent d’en sortir, quand l’expérience qu’ils ont acquise leur permet de changer d’enseigne ou de créer leur propre réseau ».

Pour François Brottes, « il faut trouver le bon équilibre entre la reconnaissance que le réseau est un investissement solide, durable, qui permet au commerce de s’épanouir et la possibilité de ne pas y rester un quart de siècle. Cet amendement vise, suite à une réflexion menée depuis longtemps par l’Autorité de la concurrence, à assouplir les conditions dans lesquelles on peut changer de réseau ou devenir indépendant, au bout d’un délai raisonnable ». De son côté, le ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, a « souscrit » totalement à cette mesure qui « vise à rééquilibrer le rapport de forces » tout en laissant « un temps d’adaptation aux franchisés et franchiseurs liés par des contrats de longue durée ».

Une mesure portant atteinte au modèle des indépendants ?

Suite à l’adoption de ces dispositions, la Fédération du commerce coopératif et associé (FCA) a vivement réagi en pointant du doigt une « mesure de non-sens ». « La rédaction (de l’article 10A du projet de loi, ndlr) ne prend non seulement pas en compte les spécificités des différentes formes de réseaux indépendants mais de surcroit, fragilise le commerce Coopératif et Associé au profit des réseaux de commerce intégrés. Cette décision prise sans aucune concertation, sans étude d’impact, pourrait avoir pour conséquence, si elle devait perdurer, de fragiliser, voire de faire disparaitre, plus de 30 000 entrepreneurs indépendants qui emploient plus de 500 000 salariés et qui en 2014 ont continué à investir et à embaucher alors que le commerce de détail s’essoufflait », estime l’organisation professionnelle.

Une préoccupation également exprimé en séance par le député UMP Patrick Hetzel : « Vous prenez le risque de mettre en péril l’équilibre économique d’un certain nombre de groupements de commerçants associés, a-t-il lancé dans l’Hémicycle. Tout d’abord, la rédaction du texte crée une confusion entre deux catégories de commerçants qui n’ont strictement rien à voir : d’un côté les franchisés, dont la relation avec le franchiseur est soumise à un véritable contrat, et de l’autre des commerçants coopérateurs qui sont associés de manière volontaire, même si un certain nombre d’éléments peuvent être de nature contractuelle. Or, cette confusion entre les commerçants coopérateurs d’une part et les franchisés d’autre part n’est pas souhaitable ».

Aussi, pour Eric Plat, président de la FCA et PDG d’Atol, « il est temps que le Gouvernement laisse aux acteurs économiques la possibilité de décider eux-mêmes de leur destin. Il est déjà extrêmement difficile d’entreprendre en France, alors ne venons pas hypothéquer par une nouvelle loi, l’avenir de milliers d’entrepreneurs qui ont su s’organiser pour faire face à l’évolution de leur marché et ainsi maintenir leurs entreprises ».

*Le député François Brottes est également président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.