Acuité a décortiqué les programmes des 7 candidats à la Primaire de la droite et du centre. Alors que le débat décisif a lieu ce soir et que le premier tour est imminent, la rédaction s’est posée deux questions : quelle politique de santé pour l’optique et, quelle organisation entre Assurance maladie obligatoire (AMO) et Assurance maladie complémentaire (AMC) ?

Sur les 7 candidats en lice, seuls 3 parlent en détails de santé publique. Pour François Fillon, le combat se situe au niveau des remboursements différenciés des réseaux de soins conventionnés. S’il considère les Ocam comme « des acteurs incontournables de notre protection sociale », il n’acceptera pas « que les réseaux de soins puissent aboutir à une remise en cause de la liberté de choix par les assurés de leur médecin et de leur établissement de santé. Je n’accepterai pas davantage qu’ils aboutissent dans les faits à instaurer une médecine à deux vitesses ».

Il propose alors de créer une Agence de contrôle et de régulation de l’assurance santé privée. « Cette agence définira un contrat type parfaitement lisible pour les assurances privées avec une variable : le prix. Le maintien d’une offre plurielle de professionnels de santé est une source d’émulation et d’innovation pour le bénéfice des patients et pour la régulation de nos dépenses de santé ». C’est dans ce cadre que seront examinées les modalités d’intervention des réseaux de soins créés par les Ocam dans les domaines de l’audioprothèse, des soins dentaires et de l’optique. L’agence pourra aussi examiner les inégalités de couverture entre les contrats collectifs et les contrats individuels pouvant varier pour certains soins du simple au double.

Autre proposition du candidat : « donner à la politique de santé une véritable dimension industrielle en définissant une stratégie à long terme et en soutenant le développement des filières françaises d’excellence sur des pôles de compétitivité performant à l’échelle européenne et mondiale ».

L’œil de la rédaction : François Fillon pourrait satisfaire une grande partie de la profession qui pointe du doigt « le détournement de clientèle opéré par les organismes complémentaires via les remboursements différenciés ». Notons toutefois, qu'aucune réponse législative n’est pour l’heure prônée. Enfin, dans ses propositions, il met en avant les places respectives de l’assurance publique, pour le panier de soins « solidaire », et de l’assurance privée, pour le panier de soins « individuel ».

Le programme d'Alain Juppé fait état d’une dizaine de propositions, même si le candidat ne rentre pas dans le détail. Parmi celles qui pourraient intéresser notre secteur, nous retiendrons :

  • l’accompagnement et la modernisation de toutes les professions de santé (opticiens,  orthoptistes...) ;
  • la poursuite de l’évolution de la formation des professionnels de santé ;
  • l’évolution des programmes d'étude des professionnels de santé afin de faire une plus grande place à la prévention ;
  • la coordination des soins de proximité autour du médecin traitant et des médecins spécialistes ;
  • et la prise en compte de la révolution médicale scientifique et technologique (technologies diagnostiques et thérapeutiques, numérique, objets connectés...).

L’œil de la rédaction : Avec Alain Juppé, la filière de santé visuelle devrait confirmer la direction prise ces derniers mois : davantage de coopération et de coordination entre les « 3 O » pour une meilleure prise en charge des patients avec la modernisation de la formation pour les opticiens. En revanche, le candidat ne fait pas état de la prise en charge financière des lunettes, ni de la place des Ocam.  

Comme nous vous l’annoncions dans une news en mai dernier, Bruno Le Maire considère les soins d’optique comme « des soins de base qui doivent être mieux remboursés ». Ainsi, il propose le remboursement à 100% d’un équipement tous les 4 ans sur une gamme de lunettes (monture et verres) définie entre l’Assurance maladie et les professionnels du secteur.

« Les équipements qui seront remboursés à 100% tous les 4 ans seront en effet des verres standards de qualité dont le prix sera conventionné et opposable par l’AMO. Les montures seront quant à elles des montures de qualité mais sans marques griffées, également à un prix conventionné », explique Bruno Le Maire dans son contrat présidentiel.

Et dans le cas où un patient souhaiterait renouveler plus rapidement ses lunettes, le montant du remboursement par l’AMO sera dégressif : 0% si renouvellement au bout d’un an (sauf prescription médicale d’urgence pour les femmes enceintes et les mineurs), 33% au bout de 2 ans ou 66% au bout de 3 ans.

Par-là, Bruno Le Maire entend « redonner à chacun la confiance perdue quant à l’avenir de notre système », en mettant fin au désengagement de l’AMO. Selon les estimations, 12,3 millions de lunettes seront prises en charge chaque année par l’assurance maladie. Sur la base d’une prise en charge moyenne par l’AMO de 58,93€ par lunette, le coût estimé de cette mesure sera de 725 M€.

L’œil de la rédaction : Cette proposition, plutôt pénalisante pour le marché, fait penser à l’ancien dispositif du « modèle Sécurité sociale ». Aurait-elle un impact positif sur le renoncement aux soins, comme l’espère Bruno Le Maire ? Rien n’est moins sûr car elle se base sur une gamme de lunettes (monture et verres) prédéfinie où les marques, qui font des lunettes un accessoires de mode, ne pourront avoir leur place. Les Français renoncent-ils réellement aux soins optiques pour des raisons financières alors qu’il est possible de s'équiper d'une monture et deux verres unifocaux standards à bas prix ? De facto, le renoncement aux soins optiques correspond au renoncement d'une monture griffée avec des verres toutes options au prix de l'entrée de gamme. Quant au remboursement à 100% au bout d’un an en cas d’urgence, il n’est pas concevable de ne pas penser aux personnes âgées, qui ont davantage la nécessité matérielle et financière d’un tel dispositif que les femmes enceintes.

Sur les 4 candidats restants, les propositions en matière de santé sont beaucoup plus généralistes et moins détaillées. Nicolas Sarkozy souhaite, au lendemain de l'alternance, une refonte du modèle social en concertation avec tous les professionnels de santé, pour l'adapter au monde actuel et le rendre plus efficient. Parce que, explique-t-il, « la France de 2016 n'a rien à voir avec celle de 1945 ». Nathalie Kosciusko-Morizet entend mettre en place un régime unique de santé. Lors des dernières réunions organisées par l’association Oscar, elle s’était également déclarée contre « les réseaux de soins qui illustrent une forme d’impuissance à refondre notre système de santé ». Parmi les propositions de Jean-François Copé, nous retiendrons la lutte contre les déserts médicaux « en réformant les études médicales pour favoriser l’installation des jeunes médecins et rendre plus attractifs les territoires sous dotés ». Enfin, la santé est la grande oubliée du programme de Jean-Frédéric Poisson.