Suite à la diffusion mardi 22 mars d’une émission sur France 5 consacrée aux abus du 100% Santé, Acuite.fr a interrogé les 3 syndicats d'opticiens, deux ont répondu à nos questions.

Didier Cohen, vice-président du Rof, « s'étonne de la présentation tronquée du 100% santé en optique et de l'amalgame fait avec d'autres profession qui mettent en péril la santé de nos concitoyens. Cette émission s'attaque à une profession qui a pris sa part dans le 100% Santé. Dans le reportage, on a l’impression que le 100% Santé n’est jamais proposé aux consommateurs. Pourtant, depuis sa mise en place, plus de 2 millions d’équipements 100% Santé ont été délivrés chaque année, sur un total de 12 millions d’équipements. Cela représente 17% des volumes, c’est considérable. En termes de santé publique, tout le monde est gagnant. Pourtant cette réforme demande des efforts économiques très importants pour chaque magasin. La pédagogie, ça prend du temps, mais nous sommes sur la bonne voie. Les chiffres le montrent ».

« Je regrette qu’on compare un peu n’importe quoi dans le reportage. Il y est dit qu’un français sur quatre renonce à des soins pour des raisons financières. C’est une moyenne globale qui ne prend pas en compte les spécificités des secteurs : avant la mise en place du 100% Santé, ce taux de renoncement était de 60% dans l’audio, et de 10% dans l’optique. Dans les deux cas, on est loin d’un français sur 4. Nous allons entrer en contact avec nos confrères pour une démarche collective de droit de réponse auprès de France 5 ».

 

"J'ai l'habitude de dialoguer avec tout le monde"

Hugues Verdier-Davioud, chargé de mission de la Fnof, intervient personnellement dans le reportage (à la minute 48’27). Il dit, à propos du 100% Santé : « C’est 20% de chiffre d’affaires en moins pour un magasin, quand il fait en moyenne 360 000 euros de CA, c’est 60 000 euros perdus. Si demain j’enlève 20% de vos revenus, sur lesquels sont calés vos crédits par exemple, il va se passer quoi ? Eh bien c’est la même chose. Ou alors il faut le dire clairement : on veut qu’il y a ait jusqu’à 4000 magasins en moins. Est-ce que fermer ces magasins permettra un meilleur accès aux soins ? Non ».

Il faut savoir que l’interview complète de France 5 a duré une heure et demie. Elle ne dure que 35 secondes dans le reportage. Les interviews aussi longues ont souvent vocation à fatiguer l’interlocuteur jusqu’à obtenir l’élément qu’on est venu chercher. En l’occurrence, faire croire que les opticiens sont avides d’argent. Pourtant, n’importe qui est en mesure de comprendre qu’une baisse de 20% des revenus, c’est colossal, qu’il y a un temps d’adaptation et nécessairement des abus. « Ces 20% en moins, c’est un risque pour les salaires, les formations, les stocks, les investissements…Ce n’est pas anodin. J’ai expliqué cela aux journalistes, mais ils n’ont retenu que ce qui les arrangeait. J’ai accepté l’interview parce que j’ai l’habitude de dialoguer avec tout le monde. Je connaissais les risques : ça ne m’empêche pas d’être déçu. Déçu, mais pas surpris ».

« La séquence sur le laboratoire frôle le ridicule. Le protocole est biaisé dès le départ : l’établissement n’est pas homologué, son serveur est en Slovaquie, les montures sont mal montées…Le grand public ne s’en rend pas compte, mais pour un professionnel ça saute aux yeux. Quant au débat à la fin de l’émission, il se rapproche d’une mascarade : le secteur n’est pas représenté et ça se voit. On y dénigre les professionnels de santé et le 100% Santé alors que cela rend service à des millions de porteurs consommateurs ».