Il y a quelques jours, 5 ministres (Premier ministre, Santé, Accès aux Soins, Enseignement Supérieur et Ruralité) ont présenté, lors d'une visite dans le "désert médical" du Cantal, un plan plus ou moins novateur pour améliorer l'accès aux soins à moyen terme.
Dans ce "pacte de lutte contre les déserts médicaux" présenté par le gouvernement Bayrou, il y a 2 annonces qui concernent directement les opticiens-lunetiers.
Dans le sous-chapitre intitulé "Moderniser les organisations et unir les compétences pour soigner plus de patients", on trouve le paragraphe suivant :
"Fluidifier l’accès aux soins visuels : l’expérimentation permettant l’intervention des opticiens-lunetiers en EHPAD sera généralisée.
L’adaptation des primo-prescriptions par les opticiens sera facilitée pour permettre aux patients d’avoir un meilleur accès aux lunettes, tout en contrôlant les professionnels engagés."
Ce pacte de lutte contre les déserts médicaux propose de nombreuses pistes, mais n'en précise pas les détails. Pour l'heure, ces annonces sont donc sujettes à interprétation.
- "Généraliser l'expérimentation en Ehpad" signifie vraisemblablement l'étendre sur tout le territoire national. Lancé en janvier 2022, cette dérogation permettant à plusieurs dizaines d'opticiens de réaliser des examens de vue directement dans une centaine d'établissements de type Ehpad est cantonnée à 2 régions (Normandie et Centre Val-de-Loire). Cela fait des mois que le gouvernement a annoncé soutenir cette initiative, mais semble manquer d'opportunité pour travailler sur le sujet : censée se terminer fin 2024, l'expérimentation a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2025. Un amendement du PLFSS 2025 proposait déjà de valider cette expérimentation. A la vue de ces éléments, il semble raisonnable d'imaginer des avancées sur ce sujet en 2025.
- "Faciliter l'adaptation des primo-prescriptions" reste une annonce très mystérieuse. A l'heure actuelle, et depuis le 28 juin 2024, les opticiens sont autorisés à modifier les premières prescriptions si elles ne correspondent pas à l'examen de vue objectif et subjectif réalisé par l'opticien en magasin. Ce décret* d'application impose que l'opticien informe le prescripteur qui doit répondre sous 10 jours, sans quoi l'adaptation est considérée comme acceptée. Il n'y a aujourd'hui aucune étude d'impact sur cette mesure, alors pourquoi vouloir la "faciliter" ? Améliorer les échanges entre les 3O dépend-il du gouvernement ou bien des professions concernées ?
Au moins une autre mesure implique également les opticiens, puisque l'objectif de stimuler le recours aux assistants médicaux est clairement stipulé dans le plan Bayrou.
Le statut d'assistant médical a été créé en 2019. Fin 2024, l'Assurance maladie reconnait 7 240 contrats d'assistants médicaux.
L'objectif affiché est donc de doubler ce chiffre dans les 3 prochaines années. Rappelons que, début janvier 2024, Gabriel Attal souhaitait atteindre 10 000 assistants médicaux avant la fin de l'année, un objectif qui n'a jamais été atteint.
On sait que, selon le Snof, plus de 30% des cabinets d'ophtalmologie emploient aujourd'hui au moins 1 opticien. C'est l'un des débouchés professionnels que choisissent régulièrement les diplômés du BTS-OL, après avoir bénéficié d'une formation complémentaire.
On sait aussi que c'est un statut administratif général (commun aux infirmiers et secrétaires par exemple) qui réduit le statut spécifique des formations d'origine, comme celle d'opticien. Le statut d'assistant médical modifie sensiblement les statistiques dont s'inspire le gouvernement pour imaginer ses plans, comme le regrette l'AOF.
*le décret a été porté au Conseil d'Etat par le Snof pour être annulé, le délibéré est toujours attendu, nous a confirmé le syndicat. Ce décret avait reçu un accueil mitigé auprès de nos syndicats.