Créée en 1974, après plus de 50 ans d’existence, l’association alsacienne Lunettes Sans Frontière a cessé cet été son activité de collecte, de remise en état et de redistribution des lunettes usagées.

Au plus haut de son activité, elle collectait 700 000 lunettes paires de lunettes par an et en redistribuait jusqu'à 10%, un taux correspondant au bon état des montures.

Le relais a été pris par La Ruche Solidaire, association basée près de Brest, spécialisée dans la collecte, remise en état et distribution de dispositifs médicaux, en particulier de fauteuils roulants, de lits médicalisés, béquilles, déambulateurs... 

Une continuité assurée

« Désormais, quand quelqu’un envoie des lunettes à Lunettes Sans Frontière, elles nous parviennent directement », nous explique Frank Hazelart, co-président de La Ruche Solidaire. L’organisation a choisi de reprendre pour le moment le même mode de fonctionnement que Lunettes Sans frontière : réception, tri, nettoyage et vérification des corrections avant redistribution, gratuitement, vers les services sociaux, les hôpitaux ou des ONG, en France et à l'étranger. 

Reprendre un système dépassé par son époque

L’arrêt de Lunettes Sans Frontière s’explique par deux facteurs majeurs : le vieillissement des membres bénévoles, qui n'ont peut-être pas su transmettre aux nouvelles générations, et la baisse à la fois des volumes et de la qualité des dons. « Beaucoup de lunettes envoyées par des particuliers sont cassées ou inutilisables », explique Frank Hazelart. Contrairement à Lunettes Sans Frontière qui ne recevait les dons que par la poste, La Ruche Solidaire met progressivement en place des points de collecte physiques, ce qui limite la casse lié au transport.

Une concurrence féroce

Les volumes collectés ces dernières années par Lunettes Sans Frontières ne cessaient de diminuer.

La concurrence d'autres structures historiques comme le Medico Lions Club (5 à 6 millions de lunettes collectées par an), et beaucoup plus récemment des initiatives à but lucratif comme Lunettes de Zac (plus de 100 000 lunettes collectées par an) qui a rejoint Atol en juin 2025, Revue d'Optic 2000 (775 000 montures collectées en 2024), ou encore la plateforme de vente en ligne Seecly, racheté récemment par Krys Group (en mai 2025), a redéfini les contours de la redistribution des gisements des lunettes usagées, encore insignifiant il y a peu, devenu un marché agressif sur lequel chaque acteur se positionne désormais.

Sans compter d'autres initiatives, comme Oculus Reparo ou Come Back, et d'autres encore plus confidentielles en terme de volumes.

La seconde main en optique, désormais captée par le commerce, risque d'échapper de plus en plus aux associations caritatives. Le monde du textile et du mobilier en a déjà fait l'expérience. 

Une page qui se tourne mais l'histoire continue

Lunettes Sans Frontière n’a pas anticipé l’intérêt des enseignes pour l’image associée aux lunettes de seconde main et n’a pas su se fixer d’ambitions de communication contemporaine. Depuis la création de l'association en 1974 par le père capucin François-Marie Meyer, aumônier de l'Union Catholique des Aveugles du Bas-Rhin, animé par le partage et la solidarité, le monde (des lunettes de seconde main, et de la solidarité) n'a plus le même visage.

Dans le dernier rapport d'activité de Lunettes Sans Frontière, on trouve cette citation du réalisateur Claude Lelouch : « Le monde du partage devra remplacer le partage du monde ». Et des parts de marché ?

 

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Message sur la page principale du site web de Lunettes Sans Frontière, août 2025.