L’aventure Internet pour vendre des équipements optiques, en théorie le concept marcherait plutôt bien. Mais l’initiative n’est pas toujours un franc succès. Philippe Wargnier, créateur du site evioo, nous a fait part de son expérience.
Acuité : Quand avez-vous créé le site evioo ?
Philippe Wargnier : J’ai créé evioo en 2010. Orienté vers le solaire, je me suis basé sur un modèle B2C (Business to Consumer) et un site pure player qui vendait directement aux clients. Plus tard, je me suis tourné vers le Drive to Store pour les équipements optiques. Le client choisit une monture sur notre plateforme avant de prendre rendez-vous chez un de nos 400 partenaires. L’opticien finalise ainsi la vente et monte les verres. Le temps de développer le back office informatique, de référencer les marques et de trouver les points de vente alliés, cette activité n’est devenue vraiment opérationnelle qu’en 2012.
A : Quel est votre constat aujourd’hui ?
P.W. : Les prospects qui se rendent sur evioo sont satisfaits. Les indicateurs sont quasi-excellents pour les internautes qui entrent dans le dispositif. Tout d’abord, 100% des clients ayant pris rendez-vous sur evioo se rendent chez l’opticien. Parmi eux, 75 à 80% concrétisent leur achat, dont 91% avec la monture réservée sur le site. Malgré tout, les porteurs ne sont pas prêts à acheter des lunettes sur le web, ils ne passent pas à l’acte et c’est un des problèmes. On n’atteint pas les volumes qui nous permettent de pérenniser l’activité. Tous les acteurs ont cru que les ventes d’équipements optiques allaient décoller, il ne s’est finalement rien passé.
A : Pour quelles raisons ?
P.W. : Le contact humain est toujours indispensable. Pour acheter une paire de lunettes de qualité, il est important d’être bien conseillé. L’opticien doit prendre les bonnes mesures et le client doit savoir quel type de monture correspond le mieux à sa morphologie, laquelle sera plus confortable. Les montures et les verres ne sont pas des produits manufacturés standardisés. Ça ne se vend pas comme les chaussures, c’est du sur-mesure.
A : La vente d’équipement sur Internet est-elle impossible ?
P.W. : Le e-commerce est mort, vive le commerce! Même si certains se targuent de doubler ou de tripler leur chiffre d’affaires, cela reste epsilonesque. Le canal Internet n’est ni plus ni moins qu’un complément du commerce traditionnel. C’est le principe que j’ai appliqué à evioo.
A : Quelles sont alors les perspectives pour evioo ?
P.W. : Un des enjeux est de réorienter le business model d’evioo de manière à le faire évoluer. Quand il y a des virages à prendre, il faut le faire rapidement. De réelles avancées ont été apportées par le site en termes de choix et services. Je souhaite capitaliser sur ce qui a été réalisé et ce qui marche quand les clients entrent dans le système.
A : Concrètement ?
P.W. : Le client cherche plus d’interactions pertinentes entre le physique et le digital, le magasin et le web. Les circuits doivent bénéficier de la force des deux. J’appelle ça le « phygital ». Le contexte économique va favoriser ce type d’avancées. Nous voulons donner du business à nos 400 partenaires afin de leur apporter du chiffre d’affaires supplémentaire. L’avenir est là, nous y travaillons et prochainement, nous pourrons vous en dire plus.
"un site pure player"
"Le temps de développer le back office informatique"
"réorienter le business model"
"J’appelle ça le « physigital »"
Allez, on finit sa soupe au marketing bullshit comme un grand garçon !