Paul Morlet sourit à l'évocation de l'enquête Que Choisir qui fait l'actualité du secteur. Dans le magasin « Lunettes pour tous » qui doit ouvrir rue de Turbigo dans le premier arrondissement parisien demain matin, les prix, confidentiels pour l'instant, devraient être divisés de 5 à 15 pour les équipements proposés. 
Le jeune dirigeant veut pouvoir « équiper entre autre les 2 millions de personnes qui renoncent ou diffèrent leurs soins d'optique pour des raisons financières. » Pour gagner son pari, il a tout d'abord mis en place un concept basé sur un process industriel de l'accueil à la livraison qui compresse systématiquement tous les temps passés. La deuxième clef de son concept sera un volume de ventes très élevé. 

Le stock a été réduit à sa plus simple expression. Les clients choisiront parmi 34 modèles de montures en métal, acétate ou injecté, équipées de verres unifocaux, systématiquement durcis, ou de verres premium « très haut de gamme » tandis que les progressifs seront systématiquement freeform. En termes de prix, une monture dotée de deux verres unifocaux durcis est proposé à 10 euros, tandis qu'une monture avec deux verres progressifs durcis, l'est pour 30 euros. 
Le magasin de 200 m² rappelle un peu le dispositif des Apple Store. Dans un décor plutôt aseptisé, deux présentoirs en bois clairs tout en longueur exposent les modèles. Un petit espace est réservé aux enfants et ados. D'un côté, seront accueillis les clients qui auront pris rendez-vous. De l'autre ceux qui seront venus spontanément. Pour les contrôles de vue, une petite salle est équipée d'un réfracteur automatique Nidek dernier cri. 

« A partir de la validation de la commande en magasin jusqu'à la remise de l'équipement au client, tout juste dix minutes doivent s'écouler » précise Paul Morlet. « ce type de vente n'ayant jamais été testé, au début, on annoncera 20 minutes, histoire de bien se roder. » Dans ce magasin qui emploie une quarantaine de salariés, ouvert six jours sur sept, de 9h à 21 heures, la vingtaine d'opticiens diplômé, puis de titulaires de BEP ou de Bac pro qui accueilleront les clients seront tous équipés d'Ipad. Le devis sera directement signé sur la tablette et la commande transmise par wifi à l'atelier. 
Un stock de 15 000 verres pour des corrections allant de -15 à +8 devrait permettre de faire face. La meuleuse industrielle Nidek entièrement automatique peut prendre en charge jusqu'à neuf péniches à la suite. Elle réalise le taillage d'un verre en un peu plus d'une minute. Autre particularité de ce magasin, le paiement s'effectue directement par le client, sans contact, un peu comme dans une boulangerie où les clients paient en espèce avec une machine qui leur rend la monnaie.
Un projet ambitieux qui révolutionne tout le déroulé habituel de l'acte de vente. Les prix bas sont compensés par une optimisation du process qui dure vingt minutes : dix minutes pour la vente et dix minutes pour la fabrication, à comparer avec les deux heures trente d'une vente traditionnelle. Paul Morlet prévoit d'équiper jusqu'à 400 clients par jour, soit 30 à 40 par heure... Le jeune dirigeant sait bien qu'aucun magasin au monde n'a jamais réalisé un tel volume. Mais ce défi le fait sourire également: « je pense qu'on va parler de nous » résume-t-il. Paul Morlet compte sur la zone de chalandise des Halles, en plein coeur de Paris pour atteindre ses objectifs. 

À 24 ans, Paul Morlet n'est pas un inconnu dans le milieu de la lunetterie. Cet entrepreneur atypique, titulaire d'un bac pro dans l'informatique décroché en alternance, s'est fait connaître avec son entreprise lyonnaise de montures publicitaires Lulu Frenchie, des lunettes sur lesquelles sont imprimés des slogans publicitaires. Créée en 2010, elle dépassait le million d'euros deux ans plus tard avec 500 000 paires vendues. Dans sa nouvelle aventure, Paul Morlet est soutenu financièrement par un investisseur qui reste anonyme. Certains évoquent Xavier Niel, le patron de Free, qui figure en tout cas dans son panthéon des personnalités les plus admirées.