Depuis 2 ans maintenant, un outsider de l'assurance baptisé Alan remporte d'importants contrats, en termes financiers et symboliques, sous le nez des mastodontes traditionnels de l'assurance santé.
Au point de les pousser à revoir leur copie. Dernier en date, un projet commun entre la Mgéfi, mutuelle historique des agents de Bercy, et Ociane Matmut, est à l'étude, a annoncé le groupe Matmut dans un communiqué. Des « travaux en vue d'un possible rapprochement » ont débuté entre ses deux mutuelles santé.

L'enjeu est de taille après la perte du contrat santé avec Bercy, au profit de l'assureur santé Alan. Au 1er janvier 2026, la Mgéfi « perd une part significative du nombre de ses adhérents », soit 134 000 agents du ministère de l'Economie et des Finances (300 000 adhérents en comptant les retraités et ayants droits), représentant 45% de son chiffre d'affaires. À fin 2024, l’activité santé du groupe protégeait 1 314 000 personnes et représentait 25% du chiffre d’affaires combiné auquel la Mgéfi contribue à hauteur de 30%.

3 ministères et l'Assemblée nationale

La mutuelle Alan fait parler d'elle ces dernières années en récupérant les assurés de l’Assemblée nationale (3 000 agents) fin 2023, du ministère de la Transition écologique (60 000 fonctionnaires, 150 000 avec les retraités et ayants droits) début 2024, et de Matignon (4 900 fonctionnaires, 15 000 avec les retraités et ayants droits) en septembre 2024.
Ces appels d'offres remportés par Alan ont participé à mettre en difficulté des mutuelles historiques comme la MGEN, qui n'a pas hésité à contester auprès du tribunal de Cergy-Pontoise les modalités de l'appel d'offre concernant le ministère de la Transition écologique. Une demande rejetée le 5 juin 2024. 

« Préservation des emplois »

L'objectif affiché de ce potentiel rapprochement est « la préservation des emplois et les perspectives pour les 200 collaborateurs de la Mgéfi », insiste la Matmut. « Il s’agit également de conforter la stratégie du groupe Matmut en matière d’assurance santé des agents de la Fonction publique, en complément du développement porté par la Mutuelle Ociane Matmut, tout en maintenant les équilibres financiers et la solvabilité du groupe. »

 

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L'interface simple d'utilisation est l'une des forces d'Alan

 

L'hébergement des données inquiète

Alan héberge ses données sur AWS (Amazon Web Services), ce qui pose des questions en matière de souveraineté numérique. Une crainte totalement infondée selon Alan, qui rappelle que les données sont chiffrées de bout en bout, qu'ils ne disposent pas des dossiers médicaux et qu'elles sont "soumises à un contrôle judiciaire et au respect de garanties procédurales strictes". 

Contrats collectifs pour tout le monde

Dans le cadre de la réforme de la protection sociale complémentaire (PSC) lancée en 2022, d'ici le 1er janvier 2026, les 5,5 millions de fonctionnaires français devront être couverts par un contrat collectif d'assurance santé, à l'instar des salariés du privé. Avec cette réforme, l'Etat prend l'initiative de favoriser le modèle économique privé au détriment du système mutualiste, et Alan, soutenu par des fonds de pension privé étrangers, illustre très bien ce changement de paradigme. Alan a séduit 35 000 entreprises privées, dont le groupe Krys (Krys, Le Collectif des Lunetiers, Lynx Optique/You Do).

 

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Alan soutenu par le président Emmanuel Macron lui-même sur LinkedIn

 

 

Forte croissance ces dernières années

Fondée en 2016, l'assureur Alan a été dopée par plusieurs levées de fonds (plus de 600 millions d'euros au total), enregistrant une croissance forte mais considérée par certains comme un "canon de verre", puissant mais fragile. Ses détracteurs notent que l’entreprise n’est toujours pas rentable, et qu'elle n'aurait pas les épaules assez larges pour assurer ses nouveaux contrats, avec 500 millions de CA en 2024 (et 34 millions d'euros de déficit), face aux géants comme le groupe Vyv (11 milliards de CA en 2024), Makakoff Humanis (7,2 milliards d'euros de CA), ou encore Groupama (18,5 milliards d'euros), pour n'en citer que quelques uns.

Pourtant, ce qui séduit chez Alan, c'est son interface facile d'usage, ou encore des remboursements réalisés en un temps record (60% seraient réalisés en moins d'une heure) grâce à l'internalisation d'un maximum de services (plus de 650 salariés), avec une bonne dose d'IA pour optimiser tout ça. Alan prévoit d'être rentable d'ici 2026 : cela ne laisse que peu de temps désormais.