Le premier grand chantier du Premier ministre tourne court. Le 23 novembre, le Sénat a largement rejeté la création du label « Maison France Santé », pourtant présenté comme un levier majeur pour améliorer l’accès aux soins. Par 302 voix contre 35, les sénateurs ont adopté un amendement supprimant l’article du PLFSS prévoyant ce réseau de structures labellisées, financé à hauteur de 130 millions d’euros.
Un label qui ne crée aucune offre nouvelle
Le dispositif devait s’appuyer sur les CPTS, maisons et centres de santé existants, pour atteindre 2 000 structures labellisées d’ici 2026, et 5 000 en 2027. Avec une promesse forte : garantir pour chaque Français « une solution de santé à 30 minutes » et « un rendez-vous sous 48 heures ». Une ambition jugée trop rapide, trop floue et trop politique par une majorité d’élus.
« Ça fait cher le panneau France Santé »
« Cette annonce est arrivée comme un cheveu sur la soupe », a dénoncé la sénatrice Corinne Imbert (LR), rapporteure de l’Assurance maladie, craignant une « opération d’affichage » incapable de répondre réellement au manque de médecins. À gauche comme à droite, la critique est la même : le label ne crée aucune offre nouvelle et risque de déstabiliser l’architecture conventionnelle existante. Céline Brulin (CRCE) a même résumé le malaise : « C’est ni fait ni à faire… et ça fait cher le panneau France Santé. »
« On n'invente rien, on rend visible ce qui existe »
Face à la fronde, la ministre de la Santé Stéphanie Rist a reconnu une annonce « rapide », tout en défendant un « outil d’aménagement du territoire » destiné à donner de la visibilité aux projets locaux. Le forfait de 50 000 € prévu par structure permettrait, selon elle, de financer une infirmière ou une secrétaire supplémentaire, voire l’accueil d’un interne. « On n’invente rien, on rend visible ce qui existe », a-t-elle insisté.
La commission des affaires sociales reste pourtant sceptique, dénonçant les critères de « service socle », jugés trop flous et susceptibles de créer une concurrence entre acteurs. Plusieurs élus redoutent que seules quelques structures captent les financements, reléguant les autres dans l’ombre. D’autres s’inquiètent de la réforme territoriale en préparation, alors que certains ex-ministres alertent sur un possible affaiblissement des ARS.
Deuxième manche
Si le Sénat a rejeté le label, le bras de fer est loin d’être terminé : l’Assemblée nationale, qui l’a validé en première lecture, aura le dernier mot. Pour l’heure, la première réforme du quinquennat Lecornu se voit taxée de « coquille vide » par ceux-là mêmes qui devront en assurer le déploiement. Le débat sur l’accès aux soins, lui, est plus ouvert que jamais.
