La nuit dernière, les sénateurs ont approuvé l’amendement gouvernemental à la loi de financement de la Sécurité Sociale, qui va permettre aux opticiens d'adapter une prescription médicale dans un cadre de renouvellement d'équipement, dans un délai de trois ans et ouvrant droit à remboursement.

Retrouvez ci-dessous le compte rendu des débats entre le ministre de la Santé Xavier Bertrand, et les sénateurs Gérard Cornu, opticien de formation, Roland Muzeau, et François Autain.

Amendement 419 présenté par le Gouvernement :

M. le Ministre-
Les délais d'attente sont trop importants pour consulter en ophtalmologie -parfois jusqu'à neuf mois ; et certains de nos concitoyens préfèrent franchir la frontière, quitte à ne pas être remboursés. Nous avons longuement concerté pour trouver le bon équilibre, que reflète l'amendement du Gouvernement. Un décret ultérieur apportera toutes garanties aux uns et aux autres, et au premier chef aux assurés sociaux.
Le numerus clausus est desserré et les cabinets se réorganisent. Nous entendons permettre aux opticiens de renouveler les lunettes dans un délai de trois ans suivant l'ordonnance du médecin. La Haute autorité de santé sera saisie.
Les ophtalmologistes se félicitent de la proposition du Gouvernement. L'accès aux soins sera renforcé.
M. le Président -
Sous-amendement 422, à l'amendement 419, présenté par MM. Cornu et Lardeux et Mme Desmarescaux.
M. Cornu -
L'amendement du Gouvernement est bienvenu et attendu par beaucoup. J'en remercie le ministre. Mais une phrase est de trop ; si j'en crois la presse; il semble que le décret pourrait interdire aux opticiens l'usage de certains appareils qui leur permettent de faire l'adaptation aux lentilles. Ces appareils qui coûtent cher, comme la lampe à fente ou l'ophtalmoscope, sont indispensables. Les opticiens s'inquiètent à bon droit.
L'amendement 423 n'est pas soutenu.

M. le Rapporteur -
Avis du Gouvernement sur le sous-amendement...
M. le Ministre -
Ce problème d'interprétation existe déjà, et depuis longtemps ; il y a même une jurisprudence de la Cour de cassation qui fait de l'adaptation aux lentilles une pratique médicale. L'avant-projet de décret, monsieur Cornu, n'est pas encore écrit, quoiqu'en dise la presse. Tous les acteurs seront consultés.Je vous propose de préciser in fine "en tant que de besoin pour le matériel".
M. Cornu -
Comment sous-amender la suppression ? Le ministre entend certainement rectifier son amendement, qui nous demande un blanc-seing.
M. Muzeau -
Vous pourriez faire confiance au Gouvernement, tout de même !
M. Cornu -
Vous rayez d'un coup de crayon une profession qui exerçait la contactologie.
M. le Ministre -
Chacun connaît la jurisprudence. Vous remettez en cause l'accord auquel on était parvenu entre ophtalmologues et opticiens. Même si nous parlons d'acuité visuelle, j'essaie de ne pas être sourd.
M. Cornu -
On se moque du monde ! C'est surréaliste.
M. le Rapporteur -
Il me semble qu'il y a une incompréhension. J'ai déjà fait valoir que M. Xavier Bertrand est loyal, qu'il tient ses engagements. Il a fait un pas envers M. Cornu, pour tenir compte de ses observations. Acceptons la rectification de son amendement et veillons à un éventuel problème médical.
M. Cazeau -
L'amendement du ministre est convenable. Nous ne voterons pas le sous-amendement.
M. Fischer -
Après les pharmaciens, les dentistes ; après les dentistes, les opticiens... Si cet amendement n'est qu'une opération commerciale, nous sommes contre. Cependant, nous savons le manque d'ophtalmologues et sommes attachés à la sécurité des soins. Les opticiens de quartier survivent difficilement alors que se développent de grandes chaînes. Nous sommes donc très interrogatifs. Le ministre évoque un accord et des négociations mais je sais que mon ophtalmologue de quartier a dû s'associer pour acquérir des équipements. Nous nous abstiendrons.
M. Cazeau -
Je m'abstiendrai sur l'amendement car sa seconde partie me gêne : elle légalise une pratique risquée. Le Président de la République n'a-t-il pas mis en avant la sécurité ?
M. Cornu -
Je ne voudrais pas que mon sous-amendement ternisse l'amendement du Gouvernement qui marque une avancée très importante. Je considère que la rectification n'est pas satisfaisante. Je retire donc mon sous-amendement en invitant le ministre à la prudence dans la rédaction du décret : qu'il ne casse pas une profession dynamique et responsable.
Le sous-amendement 422 est retiré.
M. Autain -
Le ministre réagit plus qu'il n'agit. Sans être opposé au principe, je suis très critique sur la méthode. Vous manquez d'une vision d'ensemble.
M. le Ministre -
Si : la délégation de tâche.
M. Autain -
Vous voulez répondre à une pénurie mais celle-ci ne guette-t-elle pas les professions paramédicales ? L'exercice côte à côte aurait bien des vertus. Enfin le délai de trois ans est bien long. Que M. Cornu se rassure : voilà cinq ans que les ostéopathes attendent le décret prévu. Nous nous abstenons.


L'amendement 419 rectifié est adopté ; l'article additionnel est inséré.