Fraude, taxe exceptionnelle sur les complémentaires santé, surconsommation en optique : le président de la Mutualité Française, Éric Chenut, a livré une analyse sans détour lors d’une interview sur France Inter ce weekend. Il y dénonce une politique fiscale « déraisonnable » et appelle à un recentrage du modèle mutualiste autour de la pertinence des soins.

Fraude : un phénomène minoritaire en mutation à l'impact important

Éric Chenut tient d’abord à rappeler une réalité souvent occultée : la fraude à la santé « concerne une minorité, qu’il s’agisse d’assurés ou de professionnels ».
Mais le président de la Mutualité Française alerte sur la mutation du phénomène, désormais alimenté par des réseaux mafieux venus de l’étranger.

Pour y faire face, il plaide pour un renforcement législatif et réglementaire, un partage accru des données entre l’Assurance maladie et les complémentaires, ainsi qu’une suspension du tiers payant en cas de suspicion de fraude.
« Il vaut mieux ne pas payer que devoir recouvrer ensuite », insiste-t-il, soulignant la nécessité d’un dispositif préventif et coordonné.

Une nouvelle taxe « injustifiée » sur les complémentaires santé

Autre sujet explosif : la taxe exceptionnelle sur les cotisations des complémentaires santé, inscrite dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).
Présentée par le gouvernement comme une contribution au financement du report de la réforme des retraites, elle rapporterait un milliard d’euros.

Pour Éric Chenut, cette mesure relève d’un « monde de Shadoks » :

« Demander à la santé de financer les retraites, ça n’a plus aucun sens. »

Il dénonce une logique purement comptable :

« La vie est belle sous Excel. Mais c’est une logique de tuyauterie. On prend d’un côté, on remet de l’autre, sans cohérence. »

Le président rappelle que cette taxe est prélevée sur les cotisations encaissées, non sur les bénéfices, ce qui revient à faire peser directement la charge sur les adhérents. Autrement dit, avec cette nouvelle taxe, attendez-vous à une hausse importante des cotisations mutuelles début 2026. 
En quinze ans, le montant total des taxes appliquées aux complémentaires est passé de 720 millions à 7,6 milliards d’euros : une multiplication par dix jugée « déraisonnable ».

Et lorsque l’administration affirme que cette taxe était déjà anticipée dans les tarifs 2025, Éric Chenut dément fermement :

« C’est une jolie fake news. Catherine Vautrin en a parlé pour la première fois en janvier 2025, bien après la fixation des tarifs. »

Optique : vers plus de modération dans les remboursements

L’optique n’échappe pas à la réflexion du président mutualiste, qui appelle à « rembourser mieux, pas moins ».
Pour lui, le 100 % Santé, que les mutuelles financent « à plus de 75 % », a parfois encouragé des comportements de consommation déraisonnables.

« Qu’on rembourse des lunettes quand la vue change, c’est normal. Mais un droit automatique tous les deux ans n’est plus forcément justifié. »

Éric Chenut propose de revenir à un cycle de renouvellement plus long, soit environ trois ans.
Cette mesure permettrait selon lui de redéployer les économies vers d’autres postes de santé ou de limiter la hausse des cotisations.

Il souligne également la sursaturation du marché de l’optique :

« On a autant d’opticiens installés en France que dans tous les États-Unis*. »

Une situation qu’il relie à une sur-solvabilisation du secteur, dopée par le tiers payant généralisé et le remboursement intégral des équipements du panier A.

 

 

*NDLR : Il y a environ 48 000 points de vente aux USA. Rapporté à la population, il y a près de 2 fois plus de magasins en France.