Suite à la procédure d'infraction lancée par la Commission européenne à l'encontre de la France pour "entraves à la vente en ligne d'optique-lunetterie", les protagonistes du dossier s'apprêtent à se réunir pour examiner les différents éléments du dossier et préparer un argumentaire qui sera transmis à Bruxelles. "Le ministère de la Santé, l'Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) et le Forum des droits sur l'Internet examineront très prochainement, avec des syndicats professionnels, les différents éléments du dossier" nous a indiqué Alexandra Duvauchelle, Déléguée Générale du Synope (Syndicat national des opticiens sous enseigne). "Nous rappelons qu'en matière de libre circulation des biens et des services, les Etats membres peuvent porter des interdictions ou des restrictions justifiées pour des raisons de protection de santé. Cette procédure est par ailleurs paradoxale, un site Internet ayant été récemment condamné en Grande-Bretagne pour vente illégale de lentilles correctrices" a-t-elle ajouté.

Pour l'UDO (Union des Opticiens), il s'agit d'"un nouvel élément à prendre en compte". "Nous pensons qu'il faut essayer de légaliser la vente sur Internet de lentilles et de lunettes correctrices, en l'encadrant. Le droit ne pourra pas endiguer son développement. Il faut convaincre les porteurs achetant ces produits en ligne de le faire sur des sites sécurisés. Nous nous attendons à des arbitrages, notamment entre la DGCCRF, en faveur d'un assouplissement, et du Ministère de la Santé, qui peut vouloir protéger la situation actuelle" a déclaré Alain Bach, Directeur de l'UDO.
L'AOF (Association des Optométristes de France), se prononce en revanche contre une éventuelle ouverture de la vente en ligne en France. Pour Philippe Verplaeste, son Président, "rien ne remplace le contact entre l'opticien et le porteur, que ce soit pour les lentilles ou les lunettes. Je suis en désaccord avec la Commission européenne, mais je ne me fait pas d'illusion : l'évolution qu'elle demande risque de voir le jour" explique-t-il.

Enfin, pour la Fnof (Fédération National des Opticiens Français), la procédure bruxelloise consiste en une "attaque du marché français". Selon son Président Alain Gerbel, "quelqu'un a porté plainte. Cette personne, ou entreprise, dont l'anonymat est préservé, est manifestement intéressée par le marché français. Elle souhaite visiblement sa réaction. Laissons la procédure suivre son cours" a-t-il annoncé.

Le Syffoc a, quant à lui, rappelé sa participation à la réflexion du groupe de travail du Forum des Droits sur l'Internet relatif à la vente de produits de santé en ligne. "Constamment, nous y avons mis en avant le rôle irremplaçable du professionnel qualifié (opticien et pharmacien) dans une relation en "face à face" avec le consommateur. Comment conserver cette relation sur internet ? Il est illusoire de penser éradiquer le phénomène de ventes en ligne. C'est pourquoi le Forum, tout en préconisant l'interdiction pour les médicaments à prescription obligatoire et pour les dispositifs médicaux sur mesure ou adaptés aux besoins du patient (lunettes, lentilles), s'est attaché en parallèle à réfléchir aux conditions qui pourraient rendre acceptable la vente en ligne de produits de santé : définir un cadre strict d'opération avec tous les acteurs concernés, mettre en place des outils de prévention, de contrôle et de répression. Cette réflexion est loin d'être inutile alors que l'on apprend que la Commission Européenne somme la France de revoir sa réglementation en la matière. Il est difficile d'en dire plus sans connaître tous les tenants et aboutissants de cette demande.... même si l'on sait que la Commission Européenne est contre les monopoles, au nom de la liberté du commerce. En tout état de cause, si cet "avis motivé" suit son cours, le secteur de l'optique devra faire entendre sa voix et participer d'une façon ou d'une autre à l'élaboration de la réponse à la Commission. Et nous ne manquons pas d'arguments pour le faire" nous a expliqué Alain Clouzet, Président du Syffoc.

Rappelons que Bruxelles estime que la législation actuelle (qui interdit aux sites Internet français de vendre des lunettes et des lentilles correctrices) "entrave la liberté d'établissement et la libre circulation des services". En l'absence de réponse satisfaisante dans un délai de deux mois, l'exécutif européen menace de saisir la Cour de justice des communautés.

Lire aussi notre interview de David Melison, juriste au Forum des droits sur l'Internet, qui décrypte la procédure de la Commission européenne.