La fronde contre le projet de décret de la ministre de la Santé visant le plafonnement des remboursements de soins optiques prend encore de l'ampleur, cette fois à la faveur d'une tribune libre de Marc Guyot, professeur d'économie à l'Essec Business School et publiée dans la Tribune du mardi 13 mai. Pour lui, « limiter le remboursement des lunettes est une décision idéologique et inefficace ». 
Relevant lui aussi le manque d'évaluation d'impact en amont de cette mesure, l'économiste estime que cette « intervention autoritaire du Gouvernement va perturber (...) un marché qui se porte bien et qui est en phase de dynamique vertueuse. » Il confirme en effet que les entreprises françaises d'optique « excellent au niveau mondial en verres et montures » et bénéficient d'une demande « élevée, exigeante et en croissance » comme le confirment les « 8 millions de paires vendues chaque année » en France et le taux de renouvellement plus important qu'en Europe. 

« A cette demande de qualité, souligne-t-il, répond une offre de qualité au niveau du verre, de la monture et du service d'accompagnement ». Marc Guyot explique que les fabricants français résistent à la forte concurrence asiatique grâce à des produits haut-de-gamme. Et ce n'est pas l'Etat qui a permis à la filière de réussir ainsi. Le désengagement de la Sécurité Sociale le prouve. Dans le détail, la Sécurité Sociale et la CMU couvrent 5% des frais optiques ; les mutuelles, assurances et instituts de prévoyances remboursent 66% et le reste à charge des ménages se monte à 29%. 
Quant aux mutuelles, le professeur d'économie de l'Essec revient sur leur rôle consécutif à la désertion de la Sécu. Pour lui, la situation de prix élevé dans l'optique, pour des produits de qualité, « génère une dynamique d'ajustement des acteurs ». Elles s'organisent donc pour baisser les prix au niveau des opticiens. Elles négocient des tarifs préférentiels en direct avec eux. « Un français sur deux fréquente aujourd'hui ce type de réseau », avance Marianne Binst, DG de Santéclair. 
Elle dénonce d'ailleurs le plafonnement des mutuelles : « c'est une fausse bonne idée qui n'empêchera pas de maintenir des marges élevées, l'Etat devrait plutôt s'attaquer aux vrais abus comme l'orthodontie qui réclame d'urgence une régulation. ». En revanche, « il n'y a objectivement aucune raison, selon Marc Guyot, pour que la baisse du plafond de remboursement se traduise par une baisse des prix des lunettes ». 

« Les entreprises françaises vont également être perdantes, pronostique-t-il, puisqu'elles sont innovantes et différenciées dans le haut de gamme alors que l'idéologie immédiate de la mesure gouvernementale est celle du produit unique, de masse, peu cher, c'est à dire produit en Asie. » Au final, Marc Guyot juge que « le gouvernement ferait mieux de jouer son vrai rôle de régulateur et de résoudre les vrais problèmes du secteur : la délimitation claire et le contrôle du partage des actes entre ophtalmologistes et opticiens, la définition d'une norme minimale concernant l'ajustement des lunettes achetées sur internet, le contrôle de la transparence des devis des opticiens et leur bonne exécution en termes de qualité et spécificité des verres. » 
Espérons que l'avis objectif de cet expert sera entendu des pouvoirs publics, en plus de tous les arguments déjà avancés par les professionnels de notre filière qui grossissent les rangs des détracteurs du décret sur les plafonnements de Marisol Touraine.